Selon un sondage CSA paru, hier, dans le quotidien Le Figaro, sur un échantillon de 1013 personnes interrogées,64% approuvent le rejet par l'assemblée française de l'article 4 de la loi du 23 février 2005, glorifiant la colonisation. Mille personnes sondées par téléphone sont-elles représentatives de l'opinion en France? Le sondage réalisé par l'institut CSA pour le compte du Figaro, à l'issue duquel 64% des Français approuvent l'article 4 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation envers les rapatriés et affirmant que «les programmes scolaires en France reconnaissent le rôle positif de la présence française outre-mer, en particulier en Afrique du Nord» se prête à plusieurs lectures. On peut ainsi poser plusieurs questions. Par exemple: les Français aiment-ils les Algériens et les peuples anciennement colonisés? Faut-il se fier aux sondages? Troisième question: quel lien y a-t-il entre le passé colonial de la France et les émeutes dans les banlieues? Quatrième question: quel lien y a-t-il entre le sommet France-Afrique qui se tient à Bamako et la loi du 23 février 2005? Enfin, dernière question et non la moindre: mille Français sondés peuvent-ils être représentatifs de l'opinion française, et pourquoi est-ce Le Figaro, journal de droite s'il en est, qui commande un tel sondage? Avant de commenter peu ou prou ces questions, on va donner des détails du sondage réalisé par le CSA. D'abord, il faut savoir que ce sondage a été réalisé par téléphone le 30 novembre dernier auprès d'un échantillon national de 1 013 personnes âgées de 18 ans et plus, constitué d'après la méthode des quotas. Selon ce travail, près de deux Français sur trois (64%) souhaitent que les programmes scolaires reconnaissent le rôle positif de la colonisation française. Cette proportion est plus élevée parmi les sympathisants de droite (75%) que parmi les sympathisants de gauche (57%). Vingt-neuf des personnes interrogées se déclarent opposées à ce que soit indiqué dans la loi que les programmes scolaires reconnaissent le rôle positif de la colonisation. Cette proportion monte à 38% chez les sympathisants de gauche et descend à 19% chez ceux de droite. L'approbation serait plus forte chez les femmes (69% d'opinion favorable) que chez les hommes (60%), mais surtout, les couches populaires soutiendraient de façon plus massive le choix du Parlement français que les catégories aisées: 72% des employés et 69% des ouvriers approuveraient l'initiative de l'UMP, parti majoritaire, contre 56% des professions intermédiaires et 45% des cadres. «Les Français estiment que la majorité n'a pas voulu faire l'apologie de la colonisation, mais a souhaité que les manuels scolaires n'occultent pas ses aspects positifs», commente Stéphane Rozès, directeur de CSA-Opinion. C'est bien ce dernier commentaire qui peut prêter à confusion. Car nous connaissons la crédibilité des sondages. A partir d'un panel de 1000 personnes, le directeur de CSA n'hésite pas à généraliser et à tirer des conclusions hâtives, sans remords, ni complexe. Que de fois, pourtant, les instituts de sondages ont fait un flop monumental. Les conclusions tirées au sujet de l'élection présidentielle française sont l'exemple le plus éloquent: nul ne donnait Jean-Marie Lepen arrivant devant Lionel Jospin au premier tour de la présidentielle. Et pourtant c'est ce qui était arrivé. En 1995, pendant des mois avant le scrutin, Edouard Balladur caracolait devant Jacques Chirac, jusqu'au verdict des urnes. Il est toujours possible, en fonction de la question posée, d'orienter les réponses et de manipuler l'opinion. Un contre-sondage, mené selon d'autres critères et d'autres quotas, pourrait dire exactement le contraire. On est donc bien dans le domaine de la manipulation et de la trituration de l'opinion, à travers des sondages dosés en fonction du desiderata du client (ici un journal de droite, Le Figaro, qui n'a jamais perdu sa nostalgie procoloniale. Faut-il en déduire qu'une certaine droite, qui a refoulé dans son inconscient le lustre colonial d'antan, s'accroche à son passé comme un naufragé s'accroche à une branche? On pourrait le penser. La crise des banlieues en France et le thème du Sommet France-Afrique sont l'expression d'un double échec: échec dans l'intégration des générations issues de l'émigration en provenance des anciennes colonies, et échec à développer le continent africain. Le Sommet de Bamako est consacré à la jeunesse africaine, dont Douste-Blazy, ministre français des Affaires étrangères, affirme qu'elle est âgée de moins de 25 ans, et dont on chercherait à contrôler les flux migratoires. Clichy-sous-Bois et Ceuta et Melilla viennent rappeler à tous le drame vécu par les populations du sud de la Méditerranée, a fortiori les populations subsahariennes. Les sondages bidonnés sont-ils une réponse appropriée à l'échec de la politique en Afrique et au sein même de l'Hexagone? En tout cas, ce n'est pas en chantant les vertus de la colonisation qu'on arrivera à résoudre les problèmes, mais bien en revoyant la politique française dans les banlieues et en Afrique, dont les jeunes Etats, au sein de la Francophonie ou dans le cadre de France-Afrique, attendent beaucoup de l'ancienne métropole, et pas seulement de la nostalgie, mais bien des actes et une autre politique plus volontariste.