Passé l'enthousiasme suscité par la visite de Jacques Chirac en Algérie, l'on retourne aujourd'hui, côté opinion française, à l'état d'esprit qui prévalait avant l'événement. Le changement n'a pas eu lieu dans les mentalités et les Algériens, qui espéraient plus de visas de la part des autorités françaises, devront déchanter. Le quotidien Le Parisien l'a révélé, hier, dans un sondage exclusif réalisé pour son compte par le CSA, les 5 et 6 mars derniers. Réalisé auprès d'un échantillon national représentatif de 1000 personnes âgées de 18 ans et plus, le sondage concernait exclusivement la question des visas accordés aux Algériens. Conclusion de l'enquête : pas question d'accorder des visas supplémentaires aux Algériens qui désirent venir en France. Seules 12% des personnes interrogées souhaitent, en effet, que la France accorde davantage de visas. Pour le reste, 38% des “sondés” voudraient que les autorités françaises en donnent moins qu'aujourd'hui, alors que 39% des personnes interrogées souhaitent que les Algériens continuent à obtenir autant de visas qu'aujourd'hui. Très sensible, cette question a constitué la principale revendication que les jeunes Algériens ont soumise à Jacques Chirac. Et le président français a eu, pendant son séjour en Algérie, l'occasion de mesurer l'ampleur du “rêve algérien”. Attendu sur ce sujet, Chirac s'est gardé de donner de faux espoirs aux jeunes Algériens. Il les a même invités à mettre leur talent au service de l'Algérie. Une invitation aux Algériens pour qu'ils restent chez eux. Certes, l'opinion française dans sa majorité avait clairement démontré son désir de voir Français et Algériens sceller leurs retrouvailles. Elle s'est même prononcée pour la conclusion d'un traité d'amitié entre les deux peuples et a dit avoir une image très positive des Algériens vivant en France. Tout cela a été révélé par le dernier sondage que le CSA a réalisé le 20 février dernier, quelques jours avant la visite de Chirac. Mais entre cet enthousiasme et le désir de voir débarquer sur le sol français plus de ressortissants algériens, il y a un pas que les Français ne franchissent pas. Le mot n'est pas dit, mais les Français estiment qu'un grand nombre de voyages touristiques tournent à l'émigration clandestine dans le cas des Algériens. Dans le détail, le sondage du quotidien Le Parisien note que ce constat “dépasse les clivages politiques”. Et le quotidien de révéler que “si le PCF (Parti communiste, ndlr) (34%) et les Verts (22%) sont favorables à une augmentation du nombre des visas, seuls 15% des électeurs du Parti socialiste soutiennent cette idée”. Par ailleurs, “il est intéressant de noter que socialistes (50%) et électeurs UMP (51%) se retrouvent presque à égalité pour dire qu'il faut en rester au nombre actuel”, ajoute la même source qui indique qu'“à droite, ce sont les partisans de François Bayrou (39%) qui sont les plus favorables à une réduction du nombre de visas”. Et, sans surprise, le FN est totalement opposé (82%) à une révision à la hausse du nombre des visas accordés aux Algériens. Un consensus donc qui semble mettre à l'aise les autorités des deux pays. Car, il le faut dire, les responsables algériens ont toujours et discrètement demandé aux Français d'accorder moins de visas aux Algériens, contrairement au discours officiel tenu par le pouvoir algérien. Ce dernier estime, en effet, que le départ massif des jeunes Algériens à l'étranger a terni l'image du pays, devenu une “contrée sans espoir”, ce qui ne participe pas à améliorer le regard que l'Occident porte sur un pays abandonné par ses citoyens. Selon le quotidien Le Parisien, l'ambassade de France à Alger reçoit jusqu'à 3 000 demandes de visa par jour. L'an dernier, 183 000 unités du “document précieux” ont été délivrées, un chiffre en forte hausse par rapport à 1997 où seulement 47 000 visas avaient été octroyés. Le sondage vient ainsi trancher cette question, ce qui constituera un appui certain aux autorités françaises dans leur volonté de maintenir en l'état les rapports entre les deux pays, côté visas… H. B.