«Djazair houra dimoukratia» Tout le monde a joué le jeu. Les commerces qui sont restés ouverts au passage de la procession ont offert de l'eau aux marcheurs. Jamais Bouira n'a vécu pareille procession. Comparativement à vendredi dernier, hier ils étaient une centaine de milliers à battre le pavé et à faire le tour de la ville. Juste après la prière du vendredi des groupes de personnes venues de tous les quartiers de la ville se sont regroupés sur la place de la Concorde civile en face de la Maison de la culture Ali Zamoum. Avant de se diriger vers le centre-ville par l'ouest, les marcheurs venus de la cité des 1100 Logements, de la cité des 140 Logements mais aussi de Haizer, D'El Esnam... sont rejoints par ceux venus de l'ancienne ville et de la région de Aïn Turk. Occupant la totalité des boulevards et sur une distance de plus de 3 km linéaires, la marche s'ébranle depuis le siège de la wilaya en passant par le siège de la daïra vers la place des Martyrs, la cité Château d'eau au nord pour revenir par le pont en face de l'université jusqu'au point de départ. Ils étaient approximativement 200.000, sinon plus, à battre le pavé dans un calme et une organisation impeccables. Pour ce troisième vendredi, hier tout le monde aura remarqué la forte présence des véhicules et des deux-roues au milieu des marcheurs. Certains auront confondu marche et célébration d'une victoire footballistique. Ces véhicules sont un point noir qui aura mis en danger la vie des manifestants, surtout que certains chauffards s'amusaient plus qu'ils ne participaient à l'expression de revendications. Les éléments des URS sont restés à l'intérieur du siège de la wilaya alors que dehors, les cadres de ce corps républicain veillaient au grain. Aucun mot déplacé, ni un quelconque dépassement. Le slogan le plus en vue tout au long de la marche reste le refus d'un autre mandat au président sortant. Les classiques slogans des Aarouchs aussi étaient lancés par des jeunes portant des étendards aux couleurs du club kabyle, la JSK, mais surtout l'emblème national. En arrivant devant le siège de l'ex-parti unique on a entendu des cris exigeant le départ du FLN. Arrivés devant le siège de la Sûreté nationale et dans une ambiance de fête, les manifestants ont lancé des slogans amicaux aux policiers qui sont restés très discrets et affichant le sourire. Même scène devant le siège de la radio et les résidences des cadres de la wilaya. Même si cette marche n'a pas un organisateur précis, elle s'est déroulée dans une calme exemplaire même si quelques énergumènes ont tenté d'imposer leurs slogans spécifiques aux gradins des stades. Quand les marcheurs sont passés devant l'hôpital, ils ont observé un silence total pour ne pas perturber les malades. Hier Bouira a renoué avec les marches, mais cette fois, les participants de tout âge ont donné une vraie leçon de civisme à ceux qui continuent à afficher un paternalisme envers cette jeunesse. Tout le monde a joué le jeu. Les commerces qui sont restés ouverts au passage de la procession ont offert de l'eau aux marcheurs. Pour ne pas sanctionner les usagers de la route, les marcheurs cédaient le passage aux automobilistes en famille et tout cela dans une ambiance fraternelle. Quand un jeune a tenté de détruire la clôture d'un chantier il a vite été rattrapé par ces collègues qui l'ont ramené à la raison et vite l'incident a été clos. Au moment où nous mettons sous presse, les marcheurs sont toujours réunis sur la place de la Concorde civile devant le siège de la wilaya scandant «Djazair houra dimoukratia», «chourta chabia houkouma irhabiya». Hier Bouira a vécu une troisième journée mémorable.