Le lecteur a aussi la chance de toujours «tomber» sur un écrivain S'il y a bien une librairie, dans la wilaya de Tizi Ouzou, voire dans toute la Kabylie, qui mérite d'être érigée en véritable symbole du livre et de tout ce qui a trait à ce dernier, c'est bel et bien la librairie Cheikh de Tizi Ouzou. En plus du fait d'être la librairie la plus ancienne en Kabylie (elle existe depuis 1936), la librairie Cheikh tient, de façon ponctuelle, un rendez-vous hebdomadaire avec des écrivains de tous les horizons. En effet, depuis plusieurs décennies, la librairie Cheikh de Tizi Ouzou organise chaque samedi une séance de vente- dédicace, en invitant des écrivains des quatre coins du pays. Ainsi, romanciers, essayistes, poètes, historiens, hommes politiques se sont tous succédé dans cette librairie pour présenter leurs ouvrages et les dédicacer. D'ailleurs, pour tout écrivain qui publie un nouveau livre, la librairie Cheikh est un passage presque obligatoire à l'instar de la célèbre Librairie du Tiers-monde d'Alger. Sans discrimination aucune, Omar Cheikh, qui dirige cette librairie depuis les années quatre-vingt, ouvre ses portes à tous les écrivains même ceux qui n'ont pas encore atteint les cimes de la célébrité et qui viennent à peine de sortir de l'anonymat. En même temps, la librairie Cheikh accueille une infinité de grandes figures de la littérature algérienne, tout au long de l'année. C'est ainsi que les amis de la librairie Cheikh (car ce ne sont sans doute pas des clients), ont eu droit à d'agréables rencontres avec des romanciers de la trempe de Yasmina Khadra. La séance de vente-dédicace de Yasmina Khadra à la librairie Cheikh est sans doute l'une des plus mémorables, qu'a eu à abriter l'établissement en question. Elles et ils étaient des centaines de lectrices et de lecteurs à avoir pris part à cette rencontre qui s'est déroulée dans une convivialité exceptionnelle. D'ailleurs, ce jour-là, Yasmina Khadra a même failli à la règle et a animé une conférence en marge de sa séance de vente-dédicace, compte tenu de l'insistance des lecteurs. Le Dilem de Ali Cette rencontre avec l'auteur de Ce que le jour doit à la nuit rappelle, à bien des égards, un autre grand rendez-vous, ayant eu lieu au milieu des années quatre-vingt-dix avec l'un de nos plus célèbres et talentueux caricaturistes: Ali Dilem. Dans les années quatre-vingt-dix et en dépit du contexte extrêmement difficile, la librairie Cheikh n'a pas cessé d'ouvrir ses portes, aussi bien aux lecteurs et aux dizaines, voire des centaines d'écrivains qui avaient bravé la peur et continué à écrire et à publier des livres. Mais surtout à aller à la rencontre des citoyens-lecteurs. C'était la période où la majorité des librairies de Tizi Ouzou avait mis la clé sous le paillasson pour une multitude de raisons, dont la situation sécuritaire, mais aussi le début de la baisse des ventes de livres. La librairie Cheikh a non seulement fait de la résistance, mais également continué à donner rendez-vous aux écrivains qui n'ont pas fui le pays, en dépit des menaces réelles qui pesaient continuellement sur eux. Malgré le fait que ce genre de rencontres étaient et sont toujours loin d'avoir un aspect commercial rentable, Omar Cheikh n'a jamais renoncé à les organiser. Certes, il y a des auteurs qui peuvent écouler des dizaines d'exemplaires de leurs livres, lors d'une seule vente-dédicace. Braver la peur Mais quand on sait que la librairie dépense, à son tour, de l'argent pour offrir une collation à tous les lecteurs qui s'y présentent, sans compter le repas offert gracieusement à tous les auteurs invités et à leurs accompagnateurs, on conclut vite que le souci majeur et premier du gérant de la librairie Cheikh est loin d'être commercial. Omar Cheikh agit par amour du livre, du métier de libraire et sa passion pour la culture de manière générale. Ce n'est pas un hasard si la librairie Cheikh est l'établissement culturel qui a accueilli le plus grand nombre d'écrivains de toute l'histoire de la région de Tizi Ouzou. Quand les émigrés kabyles qui lisent, se rendent au pays, en été, faire une escale par la librairie Cheikh, est un acte systématique et indispensable. Ces derniers savent que c'est à la librairie Cheikh qu'ils trouveront le maximum de livres inhérents à la Kabylie profonde, à l'histoire de la Berbérie et à la langue amazighe. Des thèmes qui peuvent en général apaiser un tant soit peu la nostalgie des émigrés, en quête de tout ouvrage qui pourrait leur faire rappeler les senteurs de leur pays natal. En montant les escaliers qui mènent au premier étage où se trouve la librairie Cheikh, sise au centre-ville de Tizi Ouzou, on est accueilli par des dizaines de photos, dont certaines datent de plus de vingt ans. Il s'agit de souvenirs d'écrivains entourés de leurs lecteurs et ayant un jour écumé ce lieu de culture mythique. Parmi les écrivains ayant effectué ce pèlerinage, on pourrait citer Yasmina Khadra, Amine Zaoui, Nourredine Louhal, Tarik Djerroud, Lynda Koudache, Maissa Bey, Malika Hachid, Rachid Mokhtari, Nadjib Stambouli, Mohammed Attaf, Hakim Laâlam, Kamel Daoud, Leila Aslaoui, Youcef Mérahi, Karim Younès, Mohamed Attaf, Khalfa Mameri et la liste est longue, bien sûr. En plus de la diversité exceptionnelle des livres que le lecteur peut découvrir, en parcourant la très spacieuse librairie Cheikh, ce dernier aura aussi droit à un accueil des plus chaleureux aussi bien de la part de Omar Cheikh, le directeur de la librairie que de toutes les personnes qui y travaillent. Ancienne gloire de la JSK Le lecteur a aussi la chance de toujours «tomber» sur un écrivain de passage pour y échanger une discussion, voire prendre une photo-souvenir. C'est le cas par exemple de ce quadragénaire, très agréablement surpris de découvrir que le sexagénaire qui se trouvait devant lui, n'était autre que Mustapha Rafai, ancienne gloire de la JSK. Le fan du club légendaire kabyle s'empresse alors de saluer Mustapha Rafai. En plus de quelques photos-souvenirs, notre jeune lecteur profite de cette aubaine pour se faire dédicacer le livre de Mustapha Rafai sur l'histoire de la JSK, disponible bien entendu sur place. Des scènes, empreintes de convivialité, qui reviennent régulièrement à la librairie Cheikh qui ressemble à bien des égards à une maison familiale dont le patronyme est le livre. Avec tout ce que ce dernier peut receler de symbolique, de savoir et de connaissances mais aussi de nostalgie, voire d'amour.