Quelle ambiance ce mardi à la salle Ibn Zeydoun! Un tremblement de terre cataclysmique. Dans le prolongement du festival culturel européen, la délégation de la commission européenne a organisé un concert animé par le groupe Gaâda de Béchar avec la participation de deux percussionnistes étrangers et trois élèves-musiciens de l'Institut supérieur de musique. 18 heures, le public est déjà amassé dehors. Une foule qui s'impatiente. On fait entrer d'abord les détenteurs d'invitation, puis le reste... Karkabou à la main, l'ambiance chaleureuse est déjà dans la salle avant d'atteindre la scène. Il règne un enthousiasme incroyable. Une certaine fébrilité des grands jours. Lucien Gueratto, le président de l'Union européenne, a la peine de placer quelques mots et hop ! la salle est plongée dans le noir! Ça hurle, ça frémit. Un roulement de percussion donne le ton. Toute la soirée sera placée sous le signe de l'union entre musique maghrébine et sonorités africaines. Ils sont huit musiciens à avoir réussi à entraîner le public au summum de la plénitude grâce à un riche répertoire musical puisé du diwan. Une musique intemporelle qui possède le feeling de la soul et du gospel. Le groupe chante la paix et l'amour des prophètes. «Salam alaikoum ya ahl asalam», déclare Abdelati Laoufi, au chant et percussions. Le groupe enchaîne avec Hes tbel ouel ghaïta. C'est vraiment un déluge d'exercices sensoriels. Trois musiciens sont debout sur la gauche de la scène. Un violoniste, un guitariste et un saxophoniste. Il s'agit sans aucun doute des musiciens de l'Institut supérieur de musique. Le public est en transe. Aïcha Lebgaâ, une voix superbement cristalline et envoûtante, continue de chanter. Et c'est une superbe version de Goumari qui est servie, rehaussée par les notes pleureuses du violon. Un véritable voyage qu'on fait dans le temps et dans l'espace. Une complainte très émouvante. L'âme de Athmane Baly plane partout dans la salle. Quelques youyous fusent ici et là. Un moment fort de la soirée. Mais il y en aura d'autres. «J'ai l'impression que la culture doit être gratuite», dira mi-ironique mi-satirique Adelati et d'ajouter: «On dit que la nature a horreur du vide, et bien, la musique a horreur des frontières». On change de rythme. L'andalou fait place sur diverses inclinaisons. Le public reprend en coeur Ya sebhan allah sifna oula chetoua, sous-tendu que les temps ont changé. Hamouda, personnage simple qu'on peut retrouver à La Casbah ou ailleurs, pétri de qualités, est le nom d'une chanson qui fera encore bouger plus d'un. Gaâda chantera également pour Alger et qui dit le vraie Alger dit forcément le chaâbi avec notamment Ya hbabi ou djirani. Une autre chanson est dédiée à Djebril et d'évoquer la paix intérieure selon une tradition propre à Béchar. En effet, grâce à la dimension spirituelle du Diwan que pratique le groupe, artistes et public ont fait véritablement fusion. Un autre hommage a été rendu à Timimoun la Rouge, à travers cette célèbre chanson de Aïcha Lebgaâ devenue sacrée, où elle loue les 7 ciels. Une belle pièce qui vous laisse méditatif. L'essentiel comme dira Abdelati Laoufi, est maintenant. Après le karkabou, le son du gembri se fait enfin entendre. Du gnawi pur est ainsi entonné avec, en préambule, Ya merhaba bikoum. L'atmosphère folle est telle que des jeunes grimpent sur scène et à côté des musiciens se laissent entraîner par la djedba. Un drapeau algérien est brandi. Mais l'ordre est vite rétabli et on reprend de plus belle avec la voix de blues de Aïcha. Zamani koulo est un joli refrain qu'on ne peut s'empêcher de fredonner. Les sceptiques se lâchent. C'est la totale frénésie. La température est au maximum. La salle, à vrai dire, est super pleine. Les gens sont debout pour mieux regarder la scène. Le finish revient, bien entendu, au tube très attendu, Ben Bouziane, qui permet d'effacer les malheurs de notre chemin pour nous guider vers l'espoir, le bonheur et la sérénité. Medjeber du groupe Djanoub Saoura est invité à chanter avec Gaâda. Du jamais vu! 3 heures de concert ininterrompu! Un exploit! Ce fut véritablement un festival de rythme et de transe où la percussion était reine et la voix, le maître. Ce genre de moment, on en redemande!