Les mêmes slogans partout Bercés par les sons des guitares et les chansons du «Hirak», les jeunes ont accroché les banderoles d'un vendredi qui allait s'annoncer historique! Incroyable! Alors que l'on ne pouvait imaginer plus grande mobilisation que celle des dernières semaines, les Algériens l'ont fait! Ils étaient plusieurs dizaines de millions à travers le pays à être sortis dans les rues pour manifester leur désir de changement avec le départ du système actuel. Une nouvelle démonstration de force avec cerise sur le gâteau, un pacifisme aussi déconcertant que celui cinq vendredis précédents! À Alger, la couleur a été annoncée la veille puisque plusieurs dizaines de manifestants ont essayé de passer la nuit sur la place de la Grande Poste. Venus d'autres wilayas du pays, ils ont improvisé un bivouac de la contestation... Bercés par les sons des guitares et les chansons du «Hirak», ils ont accroché les premières banderoles d'un vendredi qui allait s'annoncer historique! «Laissez-nous rêver!», pouvait-on ainsi lire en grand sur la façade de ce monument de la capitale. Les services de sécurité ont fini par les disperser, ce qui ne les a pas empêchés de revenir à la charge dès l'aube! Les premiers groupes de manifestants sont apparus avec les premières lueurs du beau soleil d'Alger! À 10 h du matin, la place de la Grande Poste était déjà noire de monde alors que les routes vers Alger étaient complètement fermées par les embouteillages. L'écran géant de la place Audin a choisi son camp Les retraités et invalides de l'armée arrivent en masse! Ils marchent. Plus le temps passe, plus les artères de la capitale sont pleines d'une foule compacte, drapeau national dans une main et pancarte dans l'autre. Femmes, hommes, enfants, jeunes et moins jeunes, de toutes catégories sociales marchaient pour l'avenir de leur chère patrie. Les protestataires scandaient les habituels slogans contre le système Bouteflika, à l'instar de «Bouteflika mazidche dkika» (Boutefilka tu ne rajouteras pas une minute) ou encore les «La nouride, la nouride, Bouteflika ou Said» (On ne veut ni Bouteflika ni Said). Néanmoins, si le départ du Président Bouteflika et son entourage ont fait l'unanimité chez les millions de manifestants, ce n'est pas le cas de l'appel du chef d'état-major de l'Armée nationale populaire (Anp) et vice- ministre de la Défense, Ahmed Gaid Salah. Comme chez la classe politique, l'appel de l'armée à l'application de l'article 102 de la Constitution a été différemment apprécié! On trouve les pour qui scandaient fièrement «Djeich, chaab, khawa khawa». (Le peuple et l'armée, frère, frère). Cependant, la grande majorité était contre l'implication de l'armée en soutenant que le dernier mot devait revenir au peuple. On pouvait ainsi lire des pancartes écrites en grand «non au 102 oui au 107» (en rapport aux articles de la Constitution). «Bouteflika, tu t'en vas, prends avec toi Gaïd Salah», osaient certains manifestants. Il y avait d'autres qui ont pris la chose avec plus d'humour en brandissant des pancartes très originales. On donne l'exemple de celle avec la photo du chef de l'état et son frère conseiller suivi de la mention: «On a appliqué l'article 102 maintenant on veut l'article sans eux» en référence au reste du pouvoir dont les principales têtes sont affichées dans la photo. Les marcheurs estiment que l'application de cet article intervient trop tard. «Le choix est désormais au peuple», scandaient-ils fièrement. Le nom de l'ex-président de la République Liamine Zeroual circulait aussi chez les manifestants, en créant la même passion. Il y avait des «pro-Zeroual» qui ont même déroulé des banderoles pour l'appeler à gérer la période de transition alors que d'autres ont clairement fait savoir qu'ils ne voulaient pas de lui! L'écran géant de la place Maurice Audin a, lui, choisi son camp, celui de «fakhamate Echaàb» (Son Excellence le peuple). Cette phrase affichée tout en couleur a mis une ambiance de folie! Une Algérie pacifique et... plurielle Le temps passe, la foule ne cesse d'augmenter, les débats, eux, sont de plus en plus chauds! Des étudiants ont «tenté» de mettre tout le monde d'accord en improvisant un grand débat national. Sur les gradins de la Grande Poste, ils ont installé une sono pour permettre à tous d'exprimer leurs avis et discuter en toute liberté. Les débats sont chauds et passionnés, mais ils ne sortent nullement de leur cadre, car comme depuis le 22 février le mot d'ordre est: «silmiya» (pacifique). On est dans une Algérie plurielle, où chacun respecte l'avis des autres avec à la clé un élan de solidarité bien de chez nous....