Le peuple algérien est sorti, hier, en ce sixième vendredi, décrété «le vendredi de la victoire» pour réclamer le départ effectif et définitif du système. Ce dernier «à la recherche de manœuvres pour se maintenir et de se repositionner», en dépit de la sentence du peuple, selon certains protestataires. La voix des opposants au régime s'est fait entendre dans la rue, et ce, aux quatre coins du pays, en rejetant la proposition du vice-ministre de la Défense Gaïd Salah, perçue comme une manœuvre pour «maintenir le régime en place» et pour «gagner plus de temps». Les protestataires ont rejeté et d'une seule voix «l'application de l'article 102 sans le départ du régime» et ils ont réclamé «l'application de l'article 7 de la Constitution, le peuple est la source de tout pouvoir, et la souveraineté nationale appartient exclusivement au peuple», pouvait-on lire sur plusieurs pancartes brandies par les protestataires, hier, à Alger. Fait nouveau, des slogans hostiles au chef d'état-major Gaïd Salah, après sa dernière sortie appelant à l'application de l'article 102 de la Constitution. Certains manifestants ont scandé «Bouteflika vous êtes partant, prenez avec vous Gaïd Salah». D'autres scandaient «l'armée et le peuple frères, frères». Alors que certains protestataires ont passé la nuit à la belle étoile, à la Grande Poste d'Alger, d'autres plus nombreux sont arrivés tôt le matin. Bien avant 9 heures du matin, hier, «la Grande Poste d'Alger» était déjà noire de monde. A 14 heure après la prière du vendredi, c'était une marée humaine qui a déferlé sur les principales artères de la capitale, du Premier Mai jusqu'à la Grande Poste d'Alger. Et de la place Maurice Audin jusqu'à l'avenue Pasteur. Même les ruelles de la capitale ont été complètement remplies par les manifestants de tous âges. Le mot d'ordre de ce sixième vendredi «le peuple et l'armée sont des frères», mais en rappelant au ministre de la Défense que la primauté est à l'Etat civil et c'est le peuple qui va élire ses représentants censés baliser le terrain pour l'édification d'une deuxième République. Les manifestants à Alger ont réclamé «le départ immédiat de Bouteflika et ses serviteurs», la dissolution du FLN-RND, MPA et TAJ ainsi qu'un grand ménage à la maison de la centrale syndicale «l'UGTA». Certains se sont dits pour une période de transition démocratique chapotée par des personnalités élues par le peuple, d'autres ont suggéré à travers leurs pancartes «une assemblée constituante» après la dissolution des deux chambres et la dissolution du gouvernement. Des familles de victimes de terrorisme et des familles des disparus durant la décennie noire ainsi que des familles des victimes du printemps berbère étaient présentes hier à Alger pour dire non à l'oubli et pour réclamer «vérité et justice». Les familles des personnes disparues n'ont pas manqué de crier leur colère en scandant des slogans contre le général à la retraite Khaled Nezzar. Les retraités, invalides et radiés de l'ANP ont crié haut et fort contre «el hogra» en répétant des chants patriotiques à la gloire d'une nouvelle Algérie, celle de tous les Algériens. Les services de la police ont fait usage d'un canon à eau contre les manifestants rassemblés au niveau de la place Maurice Audin et qui voulaient prendre le chemin menant vers le boulevard Mohamed V, par crainte qu'ils se rendent à la Présidence, à El Mouradia. A noter que jusqu'à 17 heures aucun incident ou dépassement n'ont été enregistrés. «La souveraineté nationaleexclusivement au peuple» Oran a été encore une fois au rendez-vous. Le dernier discours du général de corps Ahmed Gaïd Salah appelant à l'application de l'article 102 de la Constitution a été diversement commenté par les manifestants. Si l'appel du vice-ministre de la Défense a été diversement apprécié, les manifestants eux réclamaient: «le départ du gang». Comme à chaque semaine, deux endroits ont constitué les points de départ des marches, à savoir la place du 1er Novembre et le siège de la wilaya, desquels les différents flux de manifestants ont convergé vers le rond-point du pont Zabana. Sur l'un des écriteaux les plus remarqués brandis par bon nombre de manifestants, on pouvait lire «L'Armée et le peuple, une seule main». Sur d'autres, par ailleurs, il était écrit: «102, une demi-solution. Le gang doit partir.» En d'autres termes, même si l'application de l'article 102 de la Constitution est perçue comme un acquis majeur que bon nombre d'acteurs politiques et de la société civile avaient déjà appelé de tous leurs vœux, il semble désormais insuffisant pour satisfaire le peuple qui reste attaché à sa revendication de voir les symboles de ce qu'il appelle le «régime mafieux» tous partir. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard que beaucoup de manifestants ont associé à l'application de l'article 102, l'article 07 de la Constitution, qui consacre le principe de «la souveraineté nationale exclusivement au peuple». D'autres choisiront l'ironie en brandissant des banderoles où était écrit : «Article 2019 : Dégagez!». A Chlef, ils ont été des milliers à marcher dans l'ancien centre-ville en scandant les slogans d'une Algérie nouvelle, débarrassée des opportunistes et autres mafieux du système, appelant à la vigilance contre ceux qui tentent de surfer sur le «Hirak» pour se refaire une virginité politique. Certains sont venus manifester avec leurs familles, en particuliers avec les enfants habillés aux couleurs du pays, répétant haut et fort leur rejet de tout compromis avec le pouvoir actuel, rappelant que seul le «peuple est la source de tout pouvoir et de toute légitimité», faisant ainsi référence à l'article 7 de la Constitution. La mobilisation à Chlef s'amplifie de plus en plus à chaque vendredi et rien ne semble indiquer une quelconque lassitude ou fatigue. A Constantine, les manifestants ont investi le centre-ville, à partir de 14h, pour réitérer leur rejet total du système. Des milliers de personnes, avec une composante variée de la société, dont des familles entières, avec femmes et enfants, des jeunes et des moins jeunes, des personnes âgées et des handicapés ont afflué de tous les quartiers vers le centre-ville pour participer à cette 6e marche. Les mêmes slogans scandés durant les dernières marches ont été repris par la foule qui a montré sa détermination dans ses exigences, soit le «au départ de tout le système», selon les écrits sur les larges banderoles brandies par des manifestants. Et, on relève que ces slogans ont été actualisés pour suivre les développements ayant marqué cette dernière semaine, notamment la proposition du chef d'état-major de l'ANP pour passer à l'application de l'article 102 de la Constitution. Ainsi, on pouvait lire sur de larges banderoles des slogans en lien avec cette proposition, pas totalement rejetée mais accueillie avec scepticisme par les manifestants qui en rajoutent un peu de leurs idées, à l'enseigne de cet écrit qui dit «article 102 NON mais sans eux OUI», ou encore cette autre banderole qui rappelle que «le peuple est source de tout le pouvoir». Et, il y a également, comme d'habitude, des chants patriotiques qui ont été repris par les manifestants, entrecoupés par des slogans «Djazaïr horra democratia» (Algérie libre et démocratique), «système dégage» et autres slogans hostiles au pouvoir en général et, cette fois-ci, à Saïd Bouteflika aussi.