Le chef d'état-major invoque l'article 28 de la Constitution, stipulant que l'armée est «garante de l'indépendance nationale, de la sauvegarde de la souveraineté nationale et de l'intégrité territoriale ainsi que la protection du peuple de tout danger». Plusieurs jours après sa suggestion d'actionner l'article 102 de la Constitution et devant le silence du Conseil constitutionnel et la présidence de la République, le chef d'état-major, général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, relance sa proposition en y mettant une insistance quant à son opportunité. Il a, à ce propos, réuni les commandants de Forces, le commandant de la 1ère Région militaire et le secrétaire général du ministère de la Défense nationale, pour marquer l'unité de l'ANP et sa détermination à prendre ses responsabilités face à la crise institutionnelle que traverse le pays. La rencontre a été centrée sur «l'étude des développements de la situation politique prévalant dans notre pays, suite à la proposition de mise en oeuvre de l'article 102 de la Constitution, en particulier», rapporte un communiqué du ministère de la Défense nationale. Estampillé de la motion «urgent», le document de l'ANP atteste d'une fermeté assumée et s'exprime sur un ton qui ne laisse aucune nuance quant à l'intention de l'armée d'en finir avec l'instabilité que vit le pays depuis le report de l'élection présidentielle, le 11 mars dernier. Ahmed Gaïd Salah a défendu devant le commandement de l'ANP le recours à l'article 102, qualifiant la suggestion de «solution idoine pour sortir de la crise actuelle que traverse le pays». Le chef d'état-major avait, d'ailleurs, précédemment affirmé que cette option arrangeait tout le monde et surtout répondait à la revendication des Algériens. Il dira à ce propos, rapporte le même communiqué, que cette proposition «s'inscrit dans le cadre des missions constitutionnelles de l'ANP, en sa qualité de garante de l'indépendance nationale, de la sauvegarde de la souveraineté nationale et de l'intégrité territoriale ainsi que la protection du peuple de tout danger, conformément à l'article 28 de la Constitution». L'allusion directe au rôle constitutionnel de l'institution militaire, installe celle-ci comme un acteur direct et légitime dans la gestion, d'une manière ou d'une autre, de la crise que traverse le pays. Cette posture visiblement assumée par le chef d'état-major s'explique par les informations qu'il communique et que rapporte le communiqué du MDN. En effet, il accuse, sans nuance, là aussi, «certaines parties malintentionnées» qui, dit-il, «s'affairent à préparer un plan visant à porter atteinte à la crédibilité de l'ANP et à contourner les revendications légitimes du peuple». L'accusation est on ne peut plus direct, d'autant que les propos du général de corps d'armée sont on ne peut plus précis, puisqu'il affirme qu'une réunion s'est tenue, hier, samedi 30 mars, avec l'objet de monter le peuple contre l'armée et nuire à son image. Avec un lexique assez peu usité par l'institution militaire, le chef d'état-major révèle: «Une réunion a été tenue par des individus connus, dont l'identité sera dévoilée en temps opportun, en vue de mener une campagne médiatique virulente à travers les différents médias et sur les réseaux sociaux contre l'ANP et faire accroire à l'opinion publique que le peuple algérien rejette l'application de l'article 102 de la Constitution.» Pareille déclaration est assez rare dans la bouche d'un militaire, surtout lorsqu'on sait que les réseaux sociaux ont déjà commencé leur offensive contre l'article 102. Mais sur le sujet, il est entendu que ce sont des personnalités connues des Algériens qui mènent campagne contre cette disposition constitutionnelle qui autorise la destitution du président de la République. De fait, et «à la lumière de ces développements, la position de l'ANP demeure immuable, dans la mesure où elle s'inscrit constamment dans le cadre de la légalité constitutionnelle et place les intérêts du peuple algérien au-dessus de toute autre considération, en estimant toujours que la solution de crise ne peut être envisagée qu'à travers l'activation des articles 7, 8 et 102». Exit donc l'article 105 et 107, cités par quelques constitutionnalistes comme probables solutions à la crise. Il reste que le communiqué du MDN pour ferme qu'il soit, n'indique pas les intentions futures de l'armée. Il faut noter à ce propos que seul le Conseil constitutionnel est habilité à actionner l'article 102. Or, depuis son évocation par le chef d'état-major, le président dudit Conseil, Tayeb Belaïz, n'a pas réagi. La sortie de Ahmed Gaïd Salah constitue-t-elle la dernière sommation de l'armée?