Hier et pour la première fois sous le règne du chef de l'Etat Bensalah, la seconde sans Bouteflika et la 8ème depuis le début du mécontentement populaire, Bouira a encore marché avec autant de monde que les fois précédentes. Avant déjà et pendant toute la semaine, la wilaya dans sa totalité vivait au rythme des grèves, des marches au quotidien. La pression pour déloger «la maffia politico-financière» s'accentue à chaque décision prise pour perpétuer le système ou pour contourner la volonté populaire. Toute la semaine aussi, des mauvaises langues lançaient des rumeurs sur le recours à la violence lors de cette marche. Des parties non identifiées, à travers les réseaux sociaux mais aussi de bouche à oreille, annonçaient aussi l'éventuel recours des services de sécurité à la répression de cette marche et de celles ultérieures. Finalement et comme lors des sept marches précédentes, la population est sortie, a exprimé dans une ambiance pacifique exemplaire ses revendications passant devant des éléments de sécurité venus assurer la sécurité des marcheurs. Hier, le peuple dans sa totalité a rejeté ce recours à l'article 102 de la Constitution en exigeant le départ de Bensalah, Bedoui, Belaïz, Bouchareb (les 4 B) conformément à l'article 7 qui attribue la souveraineté au peuple exclusivement. Tout au long de la procession dont la longueur a été réduite avec un circuit qui a conduit les marcheurs depuis le siège de la wilaya, jusqu'à la place des Martyrs, centre de l'ancienne ville puis retour à la wilaya par le boulevard qui longe l'ancien siège de la commune, l'ex-direction de l'éducation, la promotion immobilière de l'agence foncière, le pont Sayah, le siège de la sûreté et l'arrivée à la placette de la Concorde civile. Cette manifestation puissance 8 aura commencé et c'est une première depuis les premières heures de la journée et non comme à l'accoutumée après la prière du vendredi. Cet empressement à convoquer le corps électoral et l'organisation de l'élection présidentielle le 4 juillet prochain est pour les citoyens qui ont bien voulu répondre à nos questions «une manoeuvre pour gagner du temps, remettre l'ordre dans la demeure pour revenir en force dès le 4 juillet prochain», commente un étudiant. «On doit commencer par une commission indépendante des élections, la mise en place d'un gouvernement neutre et technocrate pour ensuite parler de la présidentielle. Dans cette fuite en avant, il y a une volonté à casser le mouvement populaire qui n'a toujours pas engagé le débat et qui demeure occupé par le souci d'éjecter les figures emblématiques du système», pense un marcheur, cadre de la santé. Les marcheurs ont aussi largement commenté la position de notre ANP. «Nos soldats ne veulent pas s'emparer des acquis du peuple comme tente de le faire une classe politique qui reste aux aguets et prête à kidnapper les acquis comme en 1988. L'armée a clairement affiché son rôle de garant de la sécurité des biens et des personnes. Ceux qui l'invitent à se mêler sont ceux qui demain crieront au coup d'Etat et demanderont alors l'aide de leurs recruteurs d'outre-mer. C'est à nous de mettre la pression jusqu'au départ de cette classe politique acquise au clan présidentiel ou dans l'opposition qui est responsable à des degrés différents des maux du peuple», affirme un membre du collectif des avocats de Bouira. La présence en force, hier, des cadres de l'ex-FIS confirme cette peur de voir le Hirak dévié de ses objectifs.