Des fonctionnaires, des étudiants, des chômeurs et des femmes au foyer ont fait preuve d'un réalisme extraordinaire. «Le chef de l'Etat est en bonne santé et regagnera le pays pour poursuivre ses missions à la fin de sa convalescence». Ce sont les propos de Belkhadem, le représentant personnel du président de la République, s'exprimant lundi dernier devant des cadres de son parti. En homme avisé, parfait connaisseur des arcanes du pouvoir, le secrétaire général du FLN ne se serait jamais aventuré à propos d'un sujet, s'il avait des doutes sur l'amélioration de l'état de santé de Bouteflika. L'homme a vécu toutes les «crises», mais s'en est sorti indemne, pour la simple raison qu'il a toujours fait montre d'une grande prudence. Alors, ce n'est pas aujourd'hui qu'il va dire n'importe quoi. Le jour même et à Alger, Madame Alliot-Marie, la ministre française de la Défense, avait carrément pris le contresens de la campagne d'intox menée par les médias de son pays. Elle a déclaré: «Il y a en France une règle juridique qui est celle du secret médical, il est logique de la respecter... Je sais que cela peut poser des problèmes, on l'a vu avec le président Chirac. Il fallait qu'on le voie sortir pour que les supputations cessent. Je pense qu'il en va de même.» Ces deux déclarations ne sont pas, hélas, en mesure de mettre un terme à l'intox et la manipulation, mais le bon sens qu'elles renferment est tout à fait partagé par une bonne partie de l'opinion constantinoise. Une opinion qui a appris avec le temps à garder ses distances avec certains médias algériens et étrangers. A l'instar de l'ensemble des Algériens, les Constantinois sont tristes de ne pas avoir régulièrement des informations officielles sur l'état de santé de leur président, mais savent quand même garder leur sang-froid dans les moments les plus difficiles. Interviewés sur cette question, des fonctionnaires, des étudiants, des chômeurs et des femmes au foyer ont fait preuve d'un réalisme extraordinaire. Pour la majorité écrasante, l'alarmisme affiché par les médias français et certains titres algériens est suspect: «Pourquoi serait-on obligés de croire ceux qui nous disent que l'état de santé du président de la République est grave, sans qu'ils nous donnent aucune preuve?» Cette maturité a caractérisé les propos de tous ceux et de toutes celles que nous avons rencontrés à Constantine. Il y a certes une minorité qui veut donner l'impression d'être dans le secret des services et des états-majors, mais qu'à cela ne tienne, les Constantinois posent un véritable problème de déontologie. Pour eux, rien n'empêche de croire les nouvelles rassurantes fournies par les officiels algériens, même au compte-gouttes. Pour eux, l'Algérie fait face à des grands défis d'ordre stratégique, et il est tout à fait normal que tout ce qui touche aux symboles de sa souveraineté soit gardé secrètement. Pour beaucoup d'entre eux, ils n'ont pas oublié la «sale besogne» effectuée par ces médias français lors de la décennie rouge. Aujourd'hui et face à l'hospitalisation du chef de l'Etat, ils agissent de la même manière, avec le même acharnement. «Je pense que beaucoup sont prêts à tout faire pour faire échouer le projet relatif au traité d'amitié entre les deux pays, initié par Bouteflika et Chirac. La maladie de notre chef d'Etat constitue pour eux, une occasion inespérée pour tenter de semer la confusion et le doute avant de faire éclater les querelles», estime un jeune étudiant en droit. Pour un autre, «l'Algérie n'est ni les USA ni la France. Elle demeure toujours un pays vulnérable pour des raisons objectives. Et c'est pour cela qu'il faut rester vigilant». Pour un troisième, «le président ne va pas aussi mal, qu'on le dise: nous, musulmans, on est tenu d'être positifs. Au lieu de dire et de croire n'importe quoi, prions Dieu pour que le chef de l'Etat guérisse». Des médias ont fait des victimes du terrorisme un fonds de commerce. «Qu'est-ce qui les empêchent de ne pas en faire de même avec l'état de santé du président?» a-t-il conclu.