Des statistiques démontrent que la prévalence de la violence contre les femmes est supérieure à celle de toutes les autres pathologies. Le phénomène de la violence contre la femme s'accentue en Algérie, à défaut d'une protection judiciaire et d'organisme travaillant dans ce sens. Les modifications apportées dans le cadre de la réforme du code de la famille sont insuffisantes. C'est ce que considèrent les deux conférencières, Pascal Gomod et Radhia Oudjani, respectivement observatrice au Centre international des droits de l'Homme et professeur universitaire, lors d'un séminaire de formation consacré à la question de la violence contre la femme, organisé par la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (Laddh). Le constat est effrayant, estime Ali Yahia Abdenour, président de la Laddh, préférant ne pas parler des chiffres avancés, car, selon lui, ils sont loin de la réalité. Explications : ces mêmes chiffres ne représentent en fait que le taux des déclarations faites auprès de la médecine légale et/ou recensées auprès de la justice. Tandis que le taux jugé alarmant et qui va malheureusement crescendo, concerne les cas de violence non déclarés, toutes catégories confondues. Pour ne citer qu'un exemple ou deux, en référence à des informations recueillies auprès de l'hôpital Mustapha d'Alger, l'on a recensé quelque 9000 femmes battues qui se rendent chaque année à l'hôpital pour faire soigner leurs blessures (estimation faite à partir du nombre de femmes reçues durant les 9 premiers mois de 2001 à l'hôpital Mustapha). 53% d'entre elles sont des femmes au foyer. Les époux âgés entre 35 et 45 ans représentent 53% des agresseurs. Second exemple, à Oran, capitale de l'Ouest, une enquête menée du 1er au 15 février 2000 en milieu hospitalier a permis d'évaluer à 520 pour 100.000 le nombre de femmes battues. Cette statistique permet de constater que la prévalence de la violence contre les femmes est supérieure à celle de toutes les autres pathologies. Force est de constater que la courbe est à tendance ascendante, sans prendre en compte les chiffres que détiennent les commissariats de police du fait des dépôts de plainte. Le taux le plus élevé demeure celui des cas non déclarés qui risque de déstabiliser complètement la balance. Les chiffres présentés jusqu'ici ne doivent donc pas constituer une référence, selon Ali Yahia Abdenour, interrogé en marge du séminaire. Autre phénomène né des années de sang, selon un chiffre avancé par la Fédération internationale des droits de l'Homme (Fidh), 2 029 femmes ont survécu à des viols perpétrés par des terroristes. Le constat est amer et Radhia Oudjani, deuxième oratrice, évoqua un autre aspect de violence «induite par la législation». Elle dira que la discrimination et l'inégalité entre l'homme et la femme sont institutionnalisées dans plusieurs pays en voie de développement, dont l'Algérie. «L'inégalité en Algérie est présente dans les lois, notamment l'article 39 du code de la famille», a-t-elle estimé, soulignant l'importance d'instituer des mécanismes et des procédures, mettant hors la loi toute violence contre les femmes. Un détail de taille a été également relevé. «L'Algérie n'a pas adhéré au protocole facultatif», fera savoir Pascal Gomod, observatrice au Centre international des droits de l'Homme. Sa collègue Radhia Oudjani préconise un certain nombre de recommandations pour lutter contre la discrimination, la violence et l'inégalité des sexes. Hormis les procédures législatives, il sera question, d'après elle, d'oeuvrer pour la création d'ONG locales qui devront travailler pour la protection des droits des femmes et des enfants. En outre, il faudrait encourager l'accès des femmes à l'emploi, aux postes de responsabilité, à l'allocation chômage et aux différents secteurs clés à l'instar de l'éducation et de l'enseignement. Du principe à la réalité, le chemin à parcourir est toujours long, admet enfin Radhia Oudjani.