Les ministres ont un privilège juridique... Le nombre des manifestants a doublé en quelques minutes. La «masse critique» atteinte, une manifestation s'est enclenchée! A chaud, les citoyens criaient leur colère et portaient des pancartes hostiles à Ouyahia. Il était indiqué 8heures du matin, lorsque les premiers signes, timides certes, annonçaient une journée particulière aux abords du tribunal de Sidi M'hamed. Des journalistes et des policiers commençaient déjà à se rassembler, les premiers à la recherche d'une position «stratégique», les seconds appréhendant une matinée compliquée, avec toutes ces caméras. Tout ce beau monde, qui grossissait à vue d'oeil, attendait de pied ferme l'arrivée d'Ahmed Ouyahia, ex- Premier ministre, et Mohamed Loukal, ministre des Finances et ancien gouverneur de la Banque d'Algérie, convoqués avant-hier, par un juge d'instruction. Dans le square à côté du tribunal, les jeunes pratiquaient leur activité quotidienne, bien évidemment informelle, «le change de devises», sous l'oeil bienveillant des services de sécurité qui encerclaient les lieux. Vers 10heures du matin, des citoyens, «armés» de pots de yaourt et de bouquets de fleurs se sont rassemblés et donné le ton à cette journée. Leur nombre a doublé en quelques minutes. La «masse critique» atteinte, une manifestation s'est enclenchée! A chaud, les citoyens criaient leur colère et portaient des pancartes hostiles à Ouyahia. Ils scandaient tous «Ouyahia, l'Algérie n'est pas la Syrie», «Ouyahia tu ne vas plus manger du yaourt», «Tu payeras pour ton mépris du peuple algérien», «Ouyahia, tu es fini politiquement et ta place est en prison»... et d'autres slogans. Rien ne pouvait calmer ni disperser les manifestants, même les forces antiémeute. Infatigables, les citoyens cherchaient sans cesse et se demandaient entre eux, où était Ouyahia? Pourquoi il ne s'est pas présenté? Il faut le dire, la haine viscérale qu'il a fait naître autour de sa personne a fini par lui exploser à la figure... «Et on n'hésite pas à le mettre sur le piédestal de l'infamie pour marquer l'éclatant triomphe sur le mal que lui et ses semblables incarnaient aux yeux du peuple», assène un vieil homme de plus de 70 ans, au front ridé et cheveux tout blancs... Ce dernier n'a pas caché sa joie de voir un jour «Ouyahia jugé et traîné dans les tribunaux pour haute trahison». Pour les centaines de personnes qui se sont rassemblées devant le tribunal, c'est une punition qui commence en ce jour de la grande justice, par une énorme dose de railleries plus mortelle que la peine de mort elle-même! «Sa hautaine contenance va lui valoir autant de pots de yaourt et de cris et slogans infâmes le visant, à l'image d'un malfaiteur jeté dans la rue pour y être piétiné... je rêve d'un jour où il sera jugé et emprisonné, à l'image des vulgaires criminels», fait savoir un jeune avocat, présent parmi les manifestants. Le vent de la révolte souffle en avril! Sale temps pour l'homme des sales besognes. Les heures passent et aucun des convoqués ne s'est présenté. Les cris de la foule s'estompent et le brouhaha remplace les slogans. Après cette longue attente, les manifestants se rendent à l'évidence que l'ancien Premier ministre et le ministre des Finances ne viendront pas. D'ailleurs, des jeunes, smartphones en main, annoncent aux présents que le ministre des Finances a procédé à l'installation du nouveau DG des douanes. Il ne pouvait pas être dans deux endroits à la fois. Quant à Ouyahia, notre avocat précise qu' «il n'est pas tenu de répondre à la première convocation. Il n'a même pas le droit de se justifier». Donc la journée, si particulière, n'en était pas une finalement. Pour le commun des Algériens, la convocation du juge est incontournable. Ils n'imaginaient pas qu'on puisse laisser attendre un magistrat. Mais la loi étant ainsi établie, l'annonce faite samedi soir, au JT de 20h de l'Entv, n'aura pas été suivie d'effet. Mais les manifestants n'ont pas vraiment perdu leur temps. Dans le rassemblement se trouvaient des juristes qui expliquaient à qui voulait savoir la procédure concernant la convocation de l'ex-Premier ministre. «Il s'agit, probablement d'une enquête préliminaire. Ça veut dire que la police judiciaire et la gendarmerie peuvent entendre une personne au procès-verbal, y compris un ministre ou un Premier ministre en exercice ou anciennement en exercice», nous a expliqué, Noureddine Benissad, président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (Laddh), ajoutant dans ce sens que le procureur est le chef de la police judiciaire, «il peut lui aussi, les entendre au lieu de confier ça à la police». «Après si il y a des éléments suffisamment probants qui conduisent à une infraction, à ce moment-là, le procureur envoie le dossier au procureur général et ce dernier saisit de son côté le procureur général de la Cour suprême et à ce niveau, un juge d'instruction est désigné pour instruire l'affaire», précisant que les ministres ont un privilège juridique...