Considérée comme le vendredi du doute, la 11e symphonie du Hirak n'a pas dérogé à la règle avec des millions de citoyens déterminés à ne rien lâcher jusqu'à ce qu' «irouhou gaà»... Le Hirak tient son onze! Les manifestations pour le déracinement du système ont fêté le 11e vendredi consécutif. Fabuleux! Surtout qu'ils n'ont pas dérogé à la règle, avec des millions de manifestants qui ont envahi les quatre coins du pays. La joie et la bonne humeur étaient toujours de la partie, tout comme la communion entre ces Algériennes et ces Algériens de tous âges, régions et catégories sociales. «Tous unis contre el isaba», criaient-ils en choeur, pour répondre aux promoteurs de la «fitna»! La détermination et le pacifisme étaient donc toujours au rendez-vous! Pourtant, ce vendredi était considéré comme celui du doute...Certains évoquaient un début de démobilisation de la rue, à la veille du mois sacré du Ramadhan, notamment en ce qui concerne la capitale, du fait que cela coïncidait avec le long week-end du 1er Mai où beaucoup d'Algérois ont pris la direction de la campagne. Les doutes étaient plus grands après la mobilisation quelque peu ratée des syndicats pour la fête du Travail. Les observateurs pensaient alors que la rue avait lâché prise et que la guerre psychologique des barrages filtrants, pour ne pas dire bloquants, avait gagné! Ce qui ne fut absolument pas le cas hier! Comme depuis les quatre derniers vendredis, ces barrages ont fait leur retour dès jeudi matin, rendant les accès vers «El Mahroussa» presque complètement fermés. À cela il faut ajouter le retour du mauvais temps. Froid, pluie, vent, sont venus «tester» la détermination de ce peuple magique. C'était donc un véritable enfer depuis deux jours. Malgré tout ça, la 11e symphonie du Hirak n'a pas dérogé à la règle avec des millions de citoyens déterminés à ne rien lâcher! «Ramadhan, Aïd, vacances: on marchera!» «Houma samtine, hna samtine aâlihoum» (ils sont têtus, mais nous sommes l'essence même de l'entêtement, Ndlr), me lance avec beaucoup d'humour Omar qui n'a raté aucun des 11 vendredis. «S'il faut que je sorte pendant 100 vendredis je le ferai, s'il faut que je sorte tout seul je le ferai», affirme ce médecin qui soutient que ce sentiment est partagé avec des millions de ses compatriotes. «La preuve, avec tous ces gens qui sont toujours là avec la même envie et fougue. Je ne serai jamais seul alors...», poursuit-il avant de se mettre à chanter les fameux hymnes du Hirak. Ainsi, les chansons que sont la «Casa d'El Mouradia» du groupe Ouled El Bahdja et «La liberté» de Soolking étaient là pour mettre l'ambiance, avant de laisser place aux «Bensalah dégage», «Bedoui dégage» ou encore la chanson à la mode de ces dernières semaines, à savoir: «Sorry! Sorry, Sorry Gaïd Salah oua echaâb hada machi djaïeh, goulna yatnahaw gaâ» (Sorry sorry, Gaïd Salah, ce peuple n'est pas dupe et on a dit: qu'ils partent tous, Ndlr). Dans ce sens, les manifestants ont demandé au chef d'état-major et vice-ministre de la Défense nationale de choisir son camp. Les chansons patriotiques et l'hymne national venaient donner plus d'émotion à cette journée historique. De grands débats étaient de mise, particulièrement en début de matinée au niveau de la place Maurice Audin, ou celle de l'Emir Abdelkader. Les principaux sujets évoqués sont les plans de sortie de crise et surtout le rôle de l'Armée nationale populaire (ANP). Néanmoins, contrairement aux autres semaines, la joute présidentielle prévue le 4 juillet prochain a pris une grande place dans les discussions. «Makache intikhabate ya el issaba» Le peuple a fait savoir unanimement qu'il rejetait cette élection qu'il qualifie de mascarade. Des banderoles contre cette présidentielle ont été accrochées un peu partout, alors que des manifestants criaient avec des haut-parleurs: «Ya Bensalah matchkache, 4 juillet manvotiche» (Bensalah ne te fatigue pas, le 4 juillet je ne voterai pas!, Ndlr) ou encore «makache intikhabate ya el issaba» (pas d'élection jusqu'au départ des bandits, Ndlr). Les manifestants, qui ont recouvert de rouge, vert et blanc toutes les artères d'Alger, réclamaient aussi une justice plus transparente et surtout l'application des articles 7 et 8 de la Constitution. Le tout bien évidemment dans la joie et la bonne humeur pour garder l'esprit «silmiya» qui a fait parler de lui, à travers le monde entier. On a ainsi vu les gestes habituels de solidarité et de civisme, à l'image du nettoyage des rues ou des repas collectifs offerts par les riverains. Bref, le Hirak ne perd pas le cap de la mobilisation ni du pacifisme, envoyant un message fort pour le pouvoir, qui table sur le mois de Ramadhan pour qu'il fasse «pschitt!». «On ne lâchera rien jusqu'à la victoire; 3a9adna el 3azma an nouharira el Djazair (nous avons fait le serment de libérer l'Algérie)», criaient ces Algériennes et ces Algériens qui donnent rendez-vous vendredi prochain pour un «f'tour du Hirak».