Tout se passe comme si on avait fait la moitié du chemin. Les positions des uns et des autres donnent l'impression d'être si éloignées... L'institution militaire a fait le serment d'accompagner le Hirak dans ses revendications. Le mouvement populaire né des marches pacifiques exceptionnelles du 22 février ne peut trouver meilleur garant pour les faire aboutir. Le renoncement de l'ex-président de la République à un cinquième mandat avant qu'il ne soit poussé à la démission symbolise incontestablement ce lien puissant qui unit le peuple algérien à son armée. Une relation quasi fusionnelle attestée à chaque manifestation par le slogan «Djeich Chaâb Khawa Khawa», une marque de fabrique bien de chez nous qui n'a pas d'égale à travers le monde. La belle mécanique qui s'est enclenchée il y a maintenant plus de 11 semaines sans perdre de son énergie a vu cependant son élan subir un coup de frein. Les revendications du Hirak butent sur l'application stricto sensu de l'article 102 de la Loi fondamentale. Le recours à l'article 7 et 8 qu'il appelle de tous ses voeux pour faire table rase du système ne semble pas constituer la priorité du moment pour sortir définitivement de l'imbroglio politique que traverse le pays. Tout se passe comme si on avait fait la moitié du chemin. Les positions des uns et des autres donnent l'impression d'être si éloignées. Paradoxalement et quoi que l'on en pense la solution semble à portée de main. Le vice-ministre de la Défense n'a-t-il pas déclaré que l'institution militaire restait ouverte à d'autres propositions? «Nous réitérons également que l'Armée nationale populaire demeurera engagée à préserver les nombreux acquis et réalisations de la nation, ainsi que l'accompagnement du peuple et de ses institutions à travers la mise en oeuvre des solutions possibles, tout en approuvant toute proposition constructive et initiative utile allant dans le sens du dénouement de la crise et menant le pays vers la paix», avait assuré Gaïd Salah lors d'un discours prononcé le 24 avril. Le dialogue s'impose donc plus que jamais et en urgence pour sortir de l'impasse. La situation économique du pays ne peut permettre de patauger plus longtemps. Le déficit commercial qui semblait être maîtrisé s'est effrité en ces trois premiers mois de l'année. Il faut donc aller rapidement vers la mise en place d'une institution présidentielle crédible pour répondre aux aspirations et aux revendications populaires. Désigner un gouvernement qui réponde efficacement aux défis économiques et sociaux que doit relever l'Algérie Des personnalités politiques, Ali Benflis et Abderrezak Makri ont accueilli favorablement l'appel au dialogue du vice-ministre de la Défense nationale. Le Hirak, les étudiants qui constituent sa force vive ne sont pas en reste. Des tables rondes, des sit-in, des conférences et des prises de parole éclosent à travers tout le pays. Un bouillon de culture politique s'est ancré au sein de la société. Il reste au mouvement populaire de se structurer. De désigner ses représentants pour s'asseoir autour d'une même table avec les différents acteurs capables de trouver une issue à cette crise sans trahir le but vers lequel tend cette «révolution»: la naissance d'une seconde République.