L'appel anonyme à manifester à la fin de la prière hebdomadaire, ce vendredi, contre le cinquième mandat du Président Bouteflika, a été entendu par des milliers d'Algériens qui sont sortis effectivement des mosquées pour défiler, dans plusieurs villes du pays, après la prière du dohr et lancer des slogans contre ce 5ème mandat. A Alger, ils étaient en majorité des adolescents, rejoints ensuite par les adultes pour marcher dans les principales artères de la capitale, en présence d'un impressionnant dispositif de maintien de l'ordre. La principale leçon de cette journée est qu'il est possible que des Algériens manifestent pacifiquement et qu'ils réussissent à neutraliser les habituelles provocations et les comportements irresponsables qui conduisent aux heurts avec la police. Il n'y a rien eu de tout cela vendredi. Au contraire, les slogans «chaab-chorta khawa, khawa» ou «chaab-djeich, khawa, khawa», lancés par les manifestants ont montré qu'ils ont voulu couper court à toute attitude provocatrice, d'hostilité à ces deux institutions, en écho pratiquement contradictoire à ceux qui criaient «pouvoir assassin». Il faut reconnaître qu'à aucun moment, ni par le nombre de manifestants, (plusieurs milliers), ni par un quelconque autre indice, il n'y a eu le sentiment que le pouvoir était en danger. Du fait de leur caractère inhabituel depuis près de 18 ans (la grande marche des arouch sur Alger en juin 2001), les flots de manifestants dans la capitale, ce vendredi, avaient, certes, de quoi impressionner et même éblouir au point de faire perdre dans certains milieux politiques et médiatiques, le sens de la mesure concernant l'ordre de grandeur du nombre de marcheurs. D'ailleurs, à ce propos, il est intéressant de s'interroger sur les raisons qui ont fait que la marche à Alger n'a pas réussi à entraîner plus de monde parmi les opposants au 5ème mandat. On ne peut invoquer la crainte d'incidents, ce risque était écarté dès lors que, dans les premiers moments de la manifestation, le caractère pacifique et sans heurts, de cette marche était évident. Certains pensent que c'est le prêche pro-gouvernemental des imams dans les mosquées qui a très fortement pesé dans le refus d'une grande partie de la population algéroise de se joindre à la marche. Il y a également la source «anonyme» de l'appel et l'implication de la mosquée comme point de départ à la marche. Le peuple algérien n'a pas oublié ce que lui a coûté l'instrumentalisation de la religion dans les luttes politiques. D'où la prudence et le doute qui ont poussé peut-être certains opposants au 5ème mandat du Président en exercice, à s'abstenir de participer à une marche aux contours indécis. Force est d'admettre également que les partisans d'un 5ème mandat et les indifférents, qui font partie du «peuple algérien», mais qui, évidemment, n'étaient pas du tout intéressés par cette manifestation, ont vaqué à leurs occupations ce vendredi, et, pour certains, ce n'est pas exclu, ont joué aux observateurs dans cet événement. Les passions créées autour du 5ème mandat ont alimenté les commentaires, parfois éloignés de la réalité, sur la marche qui a eu lieu à Alger. Le fait que les participants à cette marche étaient, en majorité des adolescents et des jeunes non affiliés à un parti politique, et que la composante de tout le cortège était disparate et constituée de «sensibilités» différentes, divergentes, voire opposées, n'a, certainement, pas permis d'atteindre des résultats «concrets», même si, visiblement, il n'y avait pas d'objectifs plus ou moins précis, à cette marche. Quels enseignements vont tirer les partis d'opposition après les marches d'hier qu'ils ont soutenues à travers leurs déclarations publiées sur les réseaux sociaux ? Pourront-ils «absorber» les milliers d'adolescents et jeunes qui, à côté du refus du 5ème mandat, ont exprimé aussi des revendications liés directement à leurs conditions de vie et à leur avenir dans le pays ? Si l'opposition n'arrive pas à «récupérer» ce véritable gisement politique, il y a fort à parier que le pouvoir ne laissera pas passer l'occasion de le faire.