Dans le discours adressé dimanche soir à la nation, Abdelkader Bensalah aura beaucoup insisté sur les vertus cardinales du dialogue, à l'aune du mois sacré de Ramadhan. Ce qui ne l'a pas empêché de maintenir le cap même s'il s'est voulu pédagogue en cherchant à sensibiliser les Algériennes et les Algériens aux bienfaits de la piété, de la dévotion, de la générosité et de la paix. Le fait est que le pays se trouve dans une passe difficile, avec un Hirak qui ne faiblit pas et un contexte régional préoccupant en terme de menace terroriste. Raison pour laquelle le chef de l'Etat par intérim a averti sur les dangers qui planent à nos frontières, notamment, avant d'insister encore davantage sur la nécessité d'un dialogue constructif. Mais à l'armée qui presse les manifestants du Hirak d'engager ce dialogue afin de sortir le pays de la crise, des réponses ont été données lors du 11ème vendredi de mobilisation générale. «Nous sommes prêts au dialogue», disent certains, avant d'ajouter «mais avec qui?». Toute la problématique du bras de fer est là. Un dialogue est-il possible quand on fait la sourde oreille? Côté Hirak, les revendications sont demeurées telles quelles, depuis que le mouvement a ébranlé la scène politique nationale et étonné le monde. D'abord, le départ de toutes les «figures» du système, ensuite une mutation profonde des mécanismes de pouvoir, seule à même de baliser la voie à l'émergence d'une véritable démocratie. Des choses simples, en apparence. Pourtant, elles impliquent un séisme politique majeur dont on ne sait quelles seront les retombées futures. Les slogans du 11ème vendredi de manifestations recèlent les indices d'un changement de cap du Hirak, pendant des semaines enclin à partager les voeux du chef d'état-major de l'ANP. Ainsi, n'est-il plus question de la présidentielle du 4 juillet, et les appels au dialogue sont écartés tant que la donne actuelle sera de mise. D'où un climat d'attente et d'interrogations que le mois de Ramadhan pourrait ne pas suffire à apaiser tandis que les mesures à l'encontre des barons de la corruption sont saluées comme un gage de changement réel sur la voie de la IIème République. Avec cette réserve que la liste est encore longue et qu'il faudra veiller à ce que tous les prévaricateurs d'envergure ne trouvent aucune mansuétude. Nombreux sont enfin ceux qui relèvent une satisfaction, et pas des moindres: la cinglante réplique aux apprentis sorciers qui ont cru surfer sur le tribalisme, le régionalisme et autres vicissitudes de l'histoire du pays. «Tous frères, tous unis», ont crié les millions de manifestants, dans les rues d'Alger et d'ailleurs, pour défier ceux qui tablent sur la division ou sur l'usure du phénomène.