L'appel sera-t-il entendu par le mouvement? Cet appel reste une nouvelle chance pour hâter l'avènement de la IIe République. Il faut donc la saisir et l'armée n'aura qu'à jouer le rôle de facilitateur qui est le sien. Au moment où les horizons semblaient bouchés et le pays avançait dangereusement vers une impasse politique aux lendemains incertains, trois personnalités politiques d'envergure viennent de secouer le statut-quo en convoquant les vertus de la négociation comme remède à la crise algérienne. Intitulé «Appel à une solution consensuelle», Ahmed Taleb Ibrahimi, ancien ministre, Ali Yahia Abdennour, avocat et militant des droits humains et Rachid Benyelles, général à la retraite, se sont adressés directement au commandement militaire en vue de «nouer un dialogue franc et honnête avec des figures représentatives du mouvement citoyen», afin de trouver une solution de sortie de crise pour l'Algérie. Le seul et unique objectif recherché est de trouver dans les plus brefs délais «une solution politique consensuelle en mesure de répondre aux aspirations populaires légitimes qui s'expriment quotidiennement depuis bientôt trois mois». Pour ces trois personnalités, nous n'avons pas le choix que d'aller vers une période de transition, mais courte pour sortir de ce guêpier et bâtir l'Etat de droit que revendiquent les citoyens. Les manifestants veulent l'instauration d'un Etat de droit et d'une véritable démocratie mais cela «en passant préalablement par une période de transition de courte durée, conduite par des hommes et des femmes n'ayant jamais appartenu au système profondément corrompu des vingt dernières années», ajoute le même document soulignant que «cette période est nécessaire pour mettre en place les mécanismes et dispositions permettant au peuple souverain d'exprimer librement et démocratiquement son choix à travers les urnes, un processus qui va dans le sens de l'histoire, et que rien, ni personne ne saurait arrêter». Ahmed Taleb, Ali Yahia et Benyelles, attirent surtout l'attention que l'impasse actuelle est porteuse de grands dangers qui s'ajoutent à une situation régionale tendue. Les trois signataires n'ont pas tari d'éloges sur l'action du peuple algérien qui émerveille le monde par son action pacifique. «Les manifestations grandioses de ces treize dernières semaines ont forcé l'admiration du monde entier et nous ont rendu notre dignité trop longtemps bafouée, comme elles nous ont permis de recouvrer notre fierté d'appartenir à une grande nation», ont-ils noté. Ce sont ces mêmes populations qui ont massivement rejeté l'élection du 4 juillet prochain. L'appel estime d'ailleurs, que le maintien de l'élection présidentielle, à la date du 4 juillet «ne pourra que retarder l'avènement inéluctable d'une nouvelle République». Il est inimaginable, pour les signataires de ce communiqué, que des élections rejetées par l'immense majorité de la population soient «libres et honnêtes [...] parce qu'organisées par des institutions encore aux mains de forces disqualifiées, opposées à tout changement salutaire». Drivé par Ahmed Taleb Ibrahimi, cet appel reste une nouvelle chance pour hâter l'avènement de la IIe République. Il faut donc la saisir. Homme d'Etat et figure respectée des Algériens, ancien ministre des Affaires étrangères des anciens présidents Boumedienne et Chadli, Ahmed Taleb Ibrahimi n'a pas lancé cette initiative pour satisfaire une ambition personnelle même si son portrait a été fortement brandi par les manifestants à travers les wilayas du pays ces derniers vendredis. Il s'agit pour lui de répondre à un devoir, celui de participer à trouver une solution à la crise. Né le 5 janvier 1932 à Sétif, le fils de Bachir El Ibrahimi est pour de nombreux observateurs le mieux indiqué pour gérer une période de transition dans la sérénité. L'appel précise bien «un dialogue franc et honnête» avec l'institution militaire qu'il convient d'éloigner du champ politique. L'armée dont les missions régaliennes sont fixées par l'article 28 de la Constitution, ne jouera que son rôle de facilitateur et d'accompagnateur. En donnant sa bénédiction, elle permettra la mise en place de tout le processus pour aboutir à une élection présidentielle. Une fois le nouveau Président élu au suffrage universel et dans une transparence totale, il lui appartiendra de mener les réformes et les changements qu'il juge bénéfiques pour la Nation. L'armée a eu à exprimer cette position par la voix de son chef d'état-major, Ahmed Gaïd Salah. Elle ne sortira pas du cadre constitutionnel. Cela même si le patron de l'armée a estimé qu'à «chaque problème existe une solution, voire plusieurs».