Les négociations piétinent A la tête du Soudan pendant près de 30 ans, Omar el Béchir a été destitué et arrêté par l'armée le 11 avril sous la pression d'un mouvement inédit, déclenché le 19 décembre par la décision des autorités de tripler le prix du pain dans un pays miné par une grave crise économique. Les négociations se sont achevées lundi soir entre les généraux au pouvoir au Soudan et les chefs de la contestation, sans aboutir à l'accord attendu sur la composition du futur Conseil souverain censé assurer la transition, ont annoncé les deux parties. Le dialogue entre le Conseil militaire, qui a succédé au président Omar el Béchir renversé par l'armée, et l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance de la contestation, s'est achevé vers minuit. «Le principal point de discorde entre l'ALC et le Conseil militaire reste le taux de représentation, et la présidence du conseil souverain, entre civils et militaires», ont déclaré les deux parties dans un communiqué commun à l'issue de la réunion. Dimanche dernier, les négociations avaient déjà achoppé sur ce différend, les deux parties souhaitant chacune prendre la tête et ravir la majorité des sièges du Conseil souverain, une institution clé de la transition qui doit se substituer au Conseil militaire pour une période de trois ans, avant la tenue d'élections. «Conscients de notre responsabilité historique, nous travaillerons à la conclusion d'un accord urgent et répondant aux aspirations du peuple soudanais», ont ajouté le Conseil militaire et l'ALC. A la tête du Soudan pendant près de 30 ans, Omar el Béchir a été destitué et arrêté par l'armée le 11 avril sous la pression d'un mouvement inédit, déclenché le 19 décembre par la décision des autorités de tripler le prix du pain dans un pays miné par une grave crise économique. Le mouvement s'est vite transformé en contestation du pouvoir. Des milliers de manifestants campent depuis le 6 avril devant le QG de l'armée à Khartoum pour réclamer le transfert du pouvoir aux civils, après avoir obtenu la mise à l'écart de M. Béchir. «Les négociations ne se poursuivront pas à moins d'une avancée décisive sur les points de discorde», a déclaré Satea al-Haj, un membre de l'ALC participant aux tractations. Selon lui, l'ALC exige la présence de huit civils et trois militaires au sein du Conseil souverain. Les généraux souhaitent selon lui avoir sept militaires et quatre civils. Dans la journée de lundi, les militaires et l'ALC avait pourtant exprimé leur optimisme. Le chef adjoint du Conseil militaire, Mohamad Hamdan Daglo, surnommé «Himeidti», avait évoqué la conclusion d'un «accord complet» dans un «bref délai», selon un communiqué de la Force de soutien rapide (RSF), qu'il dirige par ailleurs. «La victoire est une question de patience et elle se rapproche», avait de son côté assuré l'ALC dans un communiqué. Le 17 mai, plusieurs pays et organisations internationales, dont les Etats-Unis, l'Union africaine, l'ONU et l'Union européenne ont appelé à la mise en oeuvre d'une transition «vraiment dirigée par les civils». En visite à Khartoum lundi, l'émissaire de l'UA pour le Soudan, le Mauritanien Mohamed El Hacen Lebatt, a assuré que l'organisation panafricaine soutenait «tout accord entre les forces politiques au Soudan», selon l'agence soudanaise Suna. «L'UA est satisfaite des avancées en cours pour parvenir à un accord», a-t-il déclaré après une rencontre avec le général Kabbachi, selon Suna. Le 6 mai, M. El Hacen Lebatt avait annoncé à Khartoum qu'un rapport d'étapes sur la transition serait examiné dans deux semaines par le Conseil de paix et de sécurité de l'UA. L'organisation régionale plaide pour un transfert rapide du pouvoir aux civils, faute de quoi elle a averti qu'elle pourrait suspendre le Soudan.