Le Conseil constitutionnel a convoqué une armada d'articles pour donner une assise à son artifice juridique. Si l'annulation de la présidentielle du 4 juillet prochain, comme l'a confirmé hier, le Conseil constitutionnel, était prévisible depuis plusieurs semaines déjà, cette décision constitue en revanche, une preuve supplémentaire attestant que la crise que traverse l'Algérie est d'une profondeur abyssale. En l'espace de deux mois, les institutions du pays ont été contraintes d'annuler deux élections présidentielles. Le premier report a été décidé unilatéralement par l'ex-président Abdelaziz Bouteflika, le 11 mars dernier, quand sous la pression de la rue, il a décliné une feuille de route en sept points dont le report de la présidentielle qui était prévue le 18 avril dernier. Le second report vient d'être consacré, hier. Les dossiers des deux candidats Abdelkader Hamadi et Hamid Touahri n'ayant pas été retenus, le Conseil constitutionnel a constaté l'impossibilité de l'organisation de l'élection présidentielle prévue le 4 juillet prochain. Il s'est donc prononcé pour sa réorganisation à une date ultérieure, devant être fixée par le chef de l'Etat, Abdelkader Bensalah, à qui il revient de convoquer à nouveau le corps électoral. Ce qui signifie que Bensalah restera à son poste jusqu'à la tenue de l'élection présidentielle. Autrement dit, son mandat, qui devra prendre fin le 9 juillet prochain, va être prolongé jusqu'à la prestation de serment du futur président élu. Si ce report est incontestablement une autre victoire engrangée par le mouvement populaire, il n'est pas non plus un triomphe pour ce dernier, qui souhaite le départ des deux «B» (Bensalah et Bedoui). En revanche, la décision permet de rester dans le cadre constitutionnel comme l'a souhaité l'institution militaire. Le Conseil constitutionnel a convoqué une armada d'articles pour donner une assise à son artifice juridique. Dans son communiqué, le Conseil constitutionnel a cité le préambule de la Constitution qui prévoit en son 12ème paragraphe que «la Constitution est au-dessus de tous (...)». Il s'est référé à l'article 7 qui stipule que «le peuple est la source de tout pouvoir» et que «la souveraineté nationale appartient exclusivement au peuple». Il a mentionné l'article 8 qui dispose que «le pouvoir constituant appartient au peuple» qui «exerce sa souveraineté par l'intermédiaire des institutions qu'il se donne» et qui «l'exerce aussi par voie de référendum et par l'intermédiaire de ses représentants élus». La décision du Conseil constitutionnel s'appuie, également sur l'article 102 de la Constitution traitant. L'institution présidée par Fenniche, par ailleurs, cite l'article 182, définissant ses prérogatives, à savoir, notamment, qu'il est «une institution indépendante chargée de veiller au respect de la Constitution» et «veille, en outre, à la régularité des opérations de référendum, d'élection du président de la République et d'élections législatives». Que faut-il faire maintenant? Il s'agit en premier lieu de lever les entraves qui ont conduit à l'annulation du rendez-vous présidentiel du 4 juillet. Ce qui ne pourra se faire sans un dialogue serein autour d'une table qui réunira les représentants du pouvoir, ceux du mouvement populaire ainsi que de l'opposition. Pas seulement. Il faut que ce dialogue soit précédé par des mesures effectives d'apaisement en vue d'instaurer une confiance et convaincre de la nécessité et surtout de l'urgence de ce dialogue. «Ce climat d'apaisement pourrait être résumé dans l'application de certaines mesures comme la levée des restrictions sur les libertés individuelles et collectives (de rassemblement et de réunion), l'amendement des lois sur les partis et les associations, autant de mesures qui peuvent instaurer un climat qui rassure et permette un vrai dialogue», suggère la politologue Louisa Ait Hamadouche. Tout porte à croire que cette éventualité est comprise dans l'agenda du pouvoir. Le communiqué du Conseil constitutionnel l'annonce en filigrane. Le document soutient en effet, que le rejet des deux candidatures pour la présidentielle du 4 juillet pour non-conformité aux exigences de la loi, n'est pas l'unique motif qui sous-tend cette décision. Le Conseil constitutionnel invoque bien le «préalable» de réunir «les conditions adéquates pour l'organisation de cette élection dans la transparence et la neutralité en vue de préserver les institutions constitutionnelles qui concourent à la réalisation des aspirations du peuple souverain». La tâche sera difficile, nais largement surmontable avec une réelle volonté politique.