L'Aïd El Adha a le mérite de tenir lieu de véritable baromètre des conditions sociales des Algériens. A quelques jours de l'Aïd El Adha, les familles algériennes vivent au rythme du mouton. Cependant, combien sont-elles à pouvoir se le permettre? Même si une faible baisse des coûts a été enregistrée par rapport à la même période de l'année écoulée, il n'en demeure pas moins que le mouton reste cher, voire très cher, relativement au revenu des ménages. Pour de nombreuses familles de Constantine, c'est toujours la saignée, car elles font face à l'une des plus grandes dépenses de l'année. Surtout quand on sait que le mouton de moyen gabarit se négocie actuellement à 17.000 DA et plus dans certains endroits, comme nous avons pu le constater, tel qu'à Sidi Mabrouk, Daksi, Oued El Had, la cité El Bir, Aïn El Bey, El Khroub et Aïn Smara. 17.000 DA la tête représente, faut-il le rappeler, presque le double du Smig. C'est donc dans cette atmosphère fiévreuse du côté des prix que se prépare la fête de l'Aïd El Adha. Une fête qui, si elle n'est pas une obligation religieuse, ronge néanmoins les économies des familles et pousse très souvent même, à l'endettement. La ferveur est toujours intacte, puisque pour chaque père de famille, le rituel est important, même si les maquignons constitués en véritable lobby imposent leur loi. En effet, beaucoup refusent de se laisser décourager par le coût exorbitant du mouton avec tous les autres préparatifs: gâteau et vêtements...etc. Pour les familles modestes, en être exclues est durement vécu. Les travailleurs salariés ne seront pas en mesure de payer le mouton du sacrifice. Leur rémunération leur permettent à peine des lentilles et autres haricots secs, puisque tout le salaire moyen équivaut à un mouton de 20 kg et pour les smicards c'est tout juste l'équivalent d'un mouton de 15 kg. Ils devront donc y faire face. Pourtant, dans les discours officiels, on a toujours annoncé que la condition sociale du citoyen s'est nettement améliorée, que la pauvreté a reculé. Mais la réalité est tout autre. Que dire par exemple des sans-revenus? Devant un tel constat, parler du recul de la pauvreté ne serait qu'illusoire, tant que les travailleurs, créateurs de richesses, ne peuvent fêter dignement cet événement. Les pouvoirs publics, quant à eux, se rendent compte que les tentatives d'importation de viande fraîche n'ont pas permis de déboucher sur la baisse du prix de la viande locale. Et en raison de la forte demande constatée à Constantine, à l'instar des autres wilayas, on assiste depuis quelques jours à la naissance des marchés informels, un peu partout à travers les localités et les quartiers de la capitale de l'Est, sur les abords des routes et autoroutes. La vente du mouton attire un monde fou, notamment ceux qui s'intéressent au bétail venu de Tébessa, M'sila et du Sud, pour la qualité de la viande et dont le coût a atteint les 28.000 DA la tête. Sachant que ce marché constitue un enjeu important pour les producteurs et revendeurs qui profitent de cette opportunité pour revoir les prix à la hausse bien sûr. C'est une perspective aussi pour beaucoup de personnes qui n'hésitent pas à se reconvertir en maquignons pour réaliser de gros bénéfices. Les pouvoirs publics, tous conscients de l'irrégularité de ces marchés d'occasion, ne se soucient vraisemblablement pas de leur prolifération, ignorant ainsi les risques qui peuvent toucher la société, d'autant que le contrôle sanitaire fait quelque peu défaut. En tout cas, on pourra dire que la fête de l'Aïd El Adha aura le mérite de tenir lieu de véritable baromètre de la condition sociale de la population.