L'approche des fêtes de l'Aïd est toujours un gros événement en Kabylie D'abord, il permet aux membres de la famille de se rencontrer et aux «citadins» forcés de se ressourcer dans les hameaux et villages de leur enfance. A l'approche de l'Aïd du mouton appelé «l'Aïd tamokrant», les pères de famille se préparent chacun à sa façon et selon ses moyens. Ainsi, pour de nombreux villageois, l'Aïd de l'année se prépare en fait dès l'Aïd passé, en achetant généralement un agneau qu'il faut engraisser pour la fête suivante. Souvent, les fellahs achètent deux à trois bêtes, l'une pour la famille et les deux autres destinées au marché afin d'aider aux dépenses. Quand par hasard, et la chose semble se généraliser ces derniers temps, les familles ne peuvent pas faire garder les bêtes alors, on se rabat sur le marché aux bestiaux une semaine à deux auparavant afin d'acquérir le mouton de son choix et surtout de ses moyens. Ainsi et sur les marchés de la Kabylie, comme Souk El Tenine dans la daïra de Maâtkas, le marché de Boghni ou encore Azazga, Aïn El Hammam et Tizi Ouzou, pour ne citer que les plus connus, les prix semblent fonction de plusieurs facteurs, d'abord la loi de l'offre et de la demande ensuite celle de la «rumeur». La rumeur peut, en effet, faire baisser le marché ou encore faire grimper les prix. Pour cela, il suffit que des gens sèment la rumeur sur tel ou tel problème et ce n'est pas ce qui manque en ce milieu. Il y a les diverses maladies du bétail ou encore la cherté des aliments au choix! Pour cette année, les prix semblent contenus dans une fourchette allant de 15.000 DA à 50.000 DA, ce dernier prix étant entendu celui du mouton gros, gras et haut sur pattes, un mouton apprécié surtout par les gens affectionnant l'esprit de la monte. Les fellahs qui sont des connaisseurs optent souvent pour un agneau de deux à trois ans, généralement gros et peu gras. Les moutons issus des troupeaux remontant des Hauts-Plateaux ne sont en fait guère appréciés car pour le Kabyle, la viande du bélier, ce mouton non châtré, a un goût fade. Aussi, les moutons des hautes plaines ne trouvent acquéreurs qu'en ville. Lorsque les paysans achètent ce type de mouton, c'est généralement pour le conserver et après l'avoir châtré, l'engraissent pour l'Aïd suivant. Un tour aux marchés de la région nous renseigne sur les prix pratiqués en cette période de près-Aïd : à Souk El Tenine où la demande est assez importante, un beau mouton moyen se négocie facilement entre 20 et 25.000 DA alors qu'à Boghni, on peut avoir la même bête pour environ 2000 DA de moins, les marchés de Tizi Ouzou (Tala Athmane) et celui des autres villes de l'intérieur de la wilaya offrent souvent des prix quasi alignés sur ceux de Souk El Tenine. Des fellahs disent que le prix du mouton est plus élevé que celui pratiqué l'an passé. Mohand a précisé que «l'année a été dévastatrice», car il n'y a pas d'éleveurs qui n'ait perdu au moins deux moutons suite à la maladie, cette année. L'année a été assez mauvaise et le fellah s'essaie certes en vain, mais s'essaie tout de même à rattraper ses pertes. Aussi, le mouton qui se négociait l'an passé à 25.000 DA est cédé à 28-30.000 DA! Enfin, les villageois ont gardé cette habitude de Timechret, cette forme de solidarité qui fait que les villages égorgent souvent la veille de l'Aïd soit des moutons soit encore des taurillons afin de distribuer à parts égales de la viande à toutes les familles du village. Une façon de faire goûter de la viande aux familles nécessiteuses en ces jours de l'Aïd!