Moscou n'y renoncera pas, malgré ce drame. La réaction américaine ne s'est pas faite attendre. Elle apporte même des précisions sur les essais russes.Des experts américains ont estimé que l'accident pourrait être lié aux tests du missile de croisière « Bourevestnik », l'une des nouvelles armes « invincibles » vantées par le président Vladimir Poutine en début d'année. Sans être aussi précise, l'agence nucléaire russe a assuré, hier, en célébrant la mémoire des cinq membres de son personnel tués, vouloir « continuer le travail sur les nouveaux types d'armes, qui sera dans tous les cas poursuivi jusqu'au bout ». « Nous remplirons les devoirs que nous a confiés notre Patrie. Sa sécurité sera entièrement assurée », a ajouté le patron de Rosatom, Alexeï Likhatchev, cité par les agences de presse russes. L'armée avait auparavant annoncé la mort de deux « spécialistes », sans que l'on sache s'ils sont inclus dans les cinq morts évoqués par l'agence nucléaire russe. Trois autres personnes ont été blessées dans l'accident survenu jeudi, victimes de brûlures, selon Rosatom. D'après l'agence nucléaire, ses spécialistes fournissaient de l'ingénierie et du support technique pour « la source d'énergie isotopique » du moteur du missile à l'origine de l'explosion, qui s'est produite sur une « plateforme maritime » et qui a jeté plusieurs employés à la mer. Immédiatement après l'accident, le ministère de la Défense avait seulement déclaré que les faits s'étaient produits au cours de l'essai d'un « moteur-fusée à ergols liquides », mais n'avait pas décrit l'accident comme impliquant du combustible nucléaire. Il avait alors assuré qu'il « n'y a pas eu de contamination radioactive », mais la mairie d'une ville située près de la base avait dit avoir « enregistré une brève hausse de la radioactivité », avant de retirer sa publication. Le président russe avait fait sensation l'année dernière puis début 2019 en présentant la nouvelle génération de missiles développés par son pays, « invincibles », « indétectables » ou « hypersoniques ». Il a menacé de déployer ces nouvelles armes pour viser les « centres de décision » dans les pays occidentaux. Des experts ont lié l'accident de jeudi aux tests de l'une de ces nouvelles armes: le « Bourevestnik » (« oiseau de tempête » en russe), missile à propulsion nucléaire dévoilé en grande pompe par Vladimir Poutine en février, mais pas encore au point selon les spécialistes. D'une « portée illimitée » selon le président, il serait capable de surmonter quasiment tous les systèmes d'interception. La base où s'est produit l'accident de jeudi, ouverte en 1954 et spécialisée dans les essais de missiles de la flotte russe, notamment des missiles balistiques, est située près du village de Nionoska, dans le Grand Nord. La ville fermée de Sarov, qui accueille le principal centre de recherches nucléaires russe, a décrété dimanche une journée de deuil et les cinq spécialistes tués seront décorés à titre posthume après leurs funérailles lundi. « Ils ont pris une double responsabilité: dans le développement de technologies et d'équipements uniques et en prenant le risque physique d'effectuer des tests uniques », a déclaré lors de la cérémonie Sergueï Kirienko, membre de l'administration présidentielle et ancien patron de Rosatom, saluant de « vrais héros ». Connu sous le nom de code « Arzamas-16 » durant la Guerre froide, le centre de Sarov est à l'origine des premières armes nucléaires de l'Union soviétique. Début juillet, 14 officiers de l'armée russe avaient été tués dans l'incendie d'un sous-marin nucléaire en mer de Barents, dans des circonstances sur lesquelles les autorités russes ont en grande partie gardé le silence, au nom du « secret d'état ». Le feu avait pu être maîtrisé avant de toucher le réacteur nucléaire du submersible, selon le ministère de la Défense.