La transition vers un pouvoir civil au Soudan, née de l'accord historique entre les militaires et la contestation, a pris corps, hier, avec l'intronisation du conseil souverain, qui doit être rapidement suivie de la nomination d'un Premier ministre de consensus. Le Conseil souverain remplace le «Conseil militaire de transition», au pouvoir depuis la destitution du président Omar el Béchir, le 11 avril. De la sorte, le Soudan n'est désormais plus exclusivement dirigé par des militaires, pour la première fois en trois décennies, même si l'armée doit dans un premier temps conserver la tête de la nouvelle instance. Le chef du Conseil militaire sortant, le général Abdel Fattah al-Burhane, a prêté serment comme président du nouveau Conseil souverain. Vêtu de son uniforme militaire, il a été intronisé lors d'une courte cérémonie, une main sur Le Coran et un bâton de maréchal sous le bras. Les autres membres de la nouvelle instance —cinq civils et cinq militaires— ont prêté serment peu après. Le Premier ministre choisi par la contestation, Abdallah Hamdok, devrait à son tour être nommé dans la soirée. Selon les termes de l'accord officiellement signé samedi, le général Burhane sera aux manettes du Conseil pendant 21 mois et un civil lui succédera pour le reste des 39 mois de transition prévus. La formation de cette instance survient après des mois de manifestations des Soudanais qui réclamaient un pouvoir civil, sur fond de grave situation économique. Le chemin reste semé d'embûches. Les noms des 11 membres du Conseil ont été annoncés mardi soir, avec deux jours de retard sur le calendrier prévu, en raison de différends au sein des Forces pour la liberté et le changement (FLC), issues de la principale organisation du mouvement de protestation. Le Conseil souverain, qui comprend deux femmes, dont l'une est issue de la minorité chrétienne, devra superviser la formation du gouvernement —une annonce est prévue le 28 août— ett d'un Parlement de transition. Conclu à la faveur d'une médiation de l'Ethiopie et de l'Union africaine, l'accord sur la transition entre les militaires et la contestation a été signé samedi lors d'une cérémonie à laquelle assistaient de nombreux responsables étrangers, signe que le Soudan pourrait perdre son statut de paria sur la scène internationale. Le pays a souffert notamment de dizaines d'années de sanctions économiques appliquées par les Etats-Unis, qui continuent de le maintenir sur la liste noire des «Etats soutenant le terrorisme». Le Conseil souverain cherchera par ailleurs à convaincre l'Union africaine d'obtenir la levée de la suspension du Soudan de l'UA, décidée en juin quelques jours après la dispersion meurtrière d'un sit-in des protestataires à Khartoum. Selon un comité de médecins proche de la contestation, 127 personnes avaient été tuées le 3 juin lors de cette répression devant le siège de l'armée. Ce bilan atteint plus de 250 morts sur l'ensemble des huit mois de révolte, d'après la même source. Sur le plan intérieur, le Conseil souverain et le gouvernement auront la lourde tâche de redresser une économie exsangue et de pacifier un pays marqué encore par plusieurs conflits. L'intronisation du nouveau conseil a été bien accueillie dans la rue.» Les nouvelles institutions se mettent en place en même temps que le début du procès du président déchu Omar el Béchir, porté au pouvoir par un coup d'Etat et qui a dirigé le pays pendant près de 30 ans. L'ancien homme fort du pays est apparu lundi dans une cage en métal dans la salle d'un tribunal de Khartoum, pour répondre d'accusations de corruption. Selon des enquêteurs, il a reconnu avoir perçu 90 millions de dollars en espèces de l'Arabie saoudite, hors budget de l'Etat. Malgré l'euphorie engendrée par la signature de l'accord samedi, des craintes subsistent dans le camp des protestataires en raison notamment de l'omniprésence de Mohamed Hamdan Daglo, numéro deux du Conseil militaire et chef d'une redoutée force paramilitaire accusée d'être impliquée dans la répression de la contestation. Omniprésent, c'est lui qui a cosigné samedi l'accord avec la contestation.