La transition du Soudan vers un pouvoir civil peine à se mettre en place, les militaires et les leaders de la contestation n'ayant toujours pas annoncé mardi la composition du Conseil souverain prévue initialement deux jours plus tôt. Cet organe, qui comptera une majorité de civils, doit superviser la transition d'environ trois ans devant permettre au Soudan de tourner la page de trois décennies de règne du général Omar El-Béchir, l'ex-président destitué le 11 avril à l'issue de mois de manifestations dans tout le pays. Lundi, M. Béchir est apparu devant un tribunal où il doit répondre d'accusations de corruption, un événement inimaginable pour les deux tiers des 40 millions de Soudanais qui n'avaient connu que lui au pouvoir depuis leur naissance. Mardi, l'ensemble des journaux soudanais consacraient leur Une à cette comparution d'un homme autrefois tout puissant. Si le procès reflète les profonds changements politiques en cours, le transfert du pouvoir au Conseil souverain par les généraux tenant les rênes du pays depuis le départ de M. Béchir a pris du retard. Promise pour dimanche en vertu d'un accord historique de transition entre les généraux et la contestation, la composition du Conseil a été retardée à mardi. Ce report a été demandé par les Forces pour la liberté et le changement (FLC), issues de la principale organisation du mouvement de protestation, ont indiqué les militaires au pouvoir. Ces dernières seraient revenues sur leur liste de noms. Le Conseil souverain comptera six civils et cinq militaires. Il sera dirigé par un général durant les 21 premiers mois puis par un civil les 18 mois restants. Selon les termes initiaux de l'accord de transition, il devait indiquer mardi s'il valide comme Premier ministre le candidat présenté par la contestation, l'économiste et ancien collaborateur de l'ONU Abdallah Hamdok. Ce dernier devra ensuite former un gouvernement le 28 août qui s'attellera à la tâche, ardue, de redresser une économie exsangue et de pacifier un pays marqué par plusieurs conflits internes, notamment au Darfour (ouest). Un Parlement de transition sera également constitué. Malaise Malgré l'euphorie engendrée par la signature officielle de l'accord de transition samedi, un malaise est palpable dans le camp des protestataires en raison notamment de l'omniprésence de Mohamed Hamdan Daglo, le chef d'une redoutée force paramilitaire accusée d'être impliquée dans la répression de la contestation. Ce dernier est également numéro deux du Conseil militaire de transition. Plus de 250 personnes sont mortes depuis le début des manifestations du 19 décembre au Soudan, dont 127 le 3 juin lors de la dispersion d'un sit-in devant le siège de l'armée, selon un comité de médecins proche de la contestation. D'abord organisées pour protester contre la hausse des prix du pain, elles se sont transformées en contestation du président Béchir, puis des généraux ayant pris sa suite, les manifestants réclamant un pouvoir civil au Soudan. Des Soudanaises, très impliquées dans les manifestations au cours des derniers mois, ont aussi exprimé leur déception face à la faible présence des femmes dans le processus de transition. L'ONG Amnesty International a également averti que le procès pour corruption de M. Béchir ne devait pas détourner l'attention des accusations plus lourdes qui pèsent contre lui pour son rôle présumé dans le conflit au Darfour (ouest). Il fait l'objet de mandats d'arrêt internationaux de la Cour pénale internationale (CPI), pour répondre de crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide, dans ce conflit qui a éclaté en 2003.