En plus des effets curatifs de l'altitude, le site de Tikjda situé en plein centre du Djurdjura, est un lieu de villégiature. La nature y a réuni sa beauté. Le passage qui relie Tala Guilef en passant par les barres rocheuses, le plateau de Haizer, le refuge de Amirouche jusqu'au lac Aggoulmine offre aux yeux toute la splendeur et la beauté d'une région. La faune et la flore qui ont proliféré dans un écosystème particulier, ont amené les instances mondiales à classer le Parc du Djurdjura patrimoine mondial. Soucieux de préserver ce don du ciel, l'Etat algérien a institué en juillet 1983, décret 83-466 du 7 juillet, le Parc national du Djurdjura qui s'étale sur 18 550 hectares. Situé à cheval sur les wilayas de Bouira au sud et de Tizi Ouzou au nord, cette chaîne montagneuse s'allonge d'est en ouest sur 50 km, elle est divisée en trois grands massifs. Le massif de Haizer occidental, qui se situe entre le col de Tizi Oujaboub et le lac Aggoulmine. Le pic de Tachgagalt avec 2 167 mètres, est le plus haut point de ce massif. Le second massif de l'Akoukeur central, va du lac Goulmine jusqu'au col de Tizi N'Kouilal et qui se caractérise par le Ras Thimedouine qui culmine à 2305 m. Le massif oriental, lui qui comprend le pic de Lalla Khadidja, 2308 m va du col de Tizi N'Kouilal jusqu'au col de Tirourda. Cette chaîne de montagnes, jeune, très complexe sur le plan géologique comporte essentiellement des calcaires et des grès. Une partie date de l'ère primaire mais la plus grande partie appartient aux ères secondaire et tertiaire. L'homme, ennemi de la nature. Six espèces animales ont disparu. L'ursus arcots ou ours brun, armotragus lervia, mouflon à manchettes, le lion, le léopard brun et la panthère ont longuement écumé les reliefs boisés de cette chaîne. Les espèces de carnivores compétitrices ou prédatrices qui existent encore sont le chacal, le chat sauvage, la mangouste, la genette, le renard roux, la belette, le lynx caracal, le serval et la hyène rayée. Les trois dernières espèces sont très rares. A côté de ces carnivores, le Djurdjura abrite des herbivores et granivores comme le singe magot, le sanglier, le porc-épic, le hérisson. Tout ce beau monde évolue dans une végétation herbacée composée essentiellement de pivoine, absinthe, broseiller, primevère, scabieuse... La végétation ligneuse se caractérise par des espèces uniques au monde. Le cèdre de l'Atlas, le pin noir, le taxus baccata, le chêne-vert, le chêne liège, le chêne zen, le genévrier commun, oxycèdre et sabina, les érables de Montpellier, champêtre, napolitain... S'agissant des oiseaux, la chaîne de montagnes du Djurdjura compte 129 espèces d'oiseaux parmi lesquels nous citerons le vautour fauve, le gypaète barbu, le vautour percnoptère, l'aigle royal, l'aigle de Bonelli, la buse féroce, le milan royal, l'épervier d'Europe, le faucon pèlerin... Certaines plantes sont endémiques du Djurdjura : la lonicera kabylica, le laurier rose, la bruyère arborescente, le saule blanc et l'orme champêtre. L'être humain mérite amplement ce «disqualificatif» au regard de ce qu'il a causé comme dégâts sur ce paradis naturel. Les responsables qui se sont succédé aux départements ministériels adeptes du béton, ont massacré le site. Tout le monde aura remarqué cette construction à l'arrêt, juste derrière le complexe EGT. Ce projet qui devait accueillir les personnes atteintes de troubles respiratoires a traîné des années pour enfin devenir un lieu vétuste. Les projets réalisés sur place n'ont pas pris dans leurs études et leurs conceptions le facteur nature. Les bâtisses sont des réalisations similaires à celles construites en milieu urbain avec des toitures antineige. La vie même transitaire dans ces structures contraste avec celles des autochtones. La symbiose qui a, à travers les siècles, caractérisé par la cohabitation entre l'homme et sa nature s'est perpétrée. Connus pour leur habileté à s'adapter avec les lieux, les bergers tout au long du printemps et jusqu'à la fin de l'été campent avec leurs troupeaux. Leur vie est rudimentaire mais pleine de santé et de joie de vivre. Des jeux comme le tir à la fronde sont une occupation pendant les longues journées où les ovins et les bovins broutent une herbe fraîche. Pour les repas, le lait, la galette, les figues et une huile claire sont l'essentiel. Avec la sève de figuier, les bergers fabriquent en quelques minutes un fromage naturel. Cette vie modeste est pleine de vitalité. L'avènement de la folie humaine qui a coïncidé avec la naissance de l'intégrisme en Algérie, allait venir à bout de cette nature. Les hordes terroristes s'attaquent au complexe qui est entièrement incendié en 1994. Depuis, toute la région est classée zone hautement dangereuse. Guerri Messaoud, un enfant de Tikjda, paiera de sa vie son amour pour son milieu natal. Défiant la peur, il reste sur place jusqu'au jour où les criminels le tuent. En 1997, l'Etat algérien décide de récupérer le site. Une unité militaire y est implantée. La réponse des intégristes ne se fera pas attendre. Un incendie volontaire vient à bout de plusieurs milliers d'hectares d'une forêt luxuriante et a mis en danger des centaines d'enfants atteints de maladies respiratoires. Les vacanciers n'ont dû leur survie qu'au courage des militaires et des encadreurs du centre de vacances. Les animaux fuient. La région ressemble alors à un grand désert. La volonté des forces de l'ordre est inébranlable. Avec l'avènement de la loi sur la Concorde et le cessez-le-feu unilatéral décrété par l'AIS qui voit la reddition de plusieurs maquisards, dont deux émirs de la région, Tikjda reprend vie. Depuis 1999, le public a commencé à côtoyer timidement mais graduellement les lieux. La quiétude même fragile décourage la partie destructrice. La vie reprend le dessus et Tikjda redevient ce qu'elle était, un lieu de plaisance et de soins. Le Cnlst, puis l'auberge sont en activité. Les citoyens venaient de partout. Devant les difficultés financières du Cnslt, le COA récupère une partie qu'il aménage en centre pour les sportifs d'élite. Le ministère de la Solidarité lui, ne suit pas l'exemple de son homologue de la Jeunesse. Les fondations pour la réalisation d'un centre pour les maladies respiratoires sont toujours là et témoignent de l'abandon du projet. Quand on sait que des étrangers sont grandement intéressés par le site, on se demande pourquoi ce projet n'est pas relancé? Le tourisme, une assurance pour l'après-pétrole Le tourisme représente pour nos voisins du Maghreb une activité très rentable. Chez nous, la nature a fait son devoir, mais on continue après 40 ans d'indépendance, à chercher quelle formule ou quel homme peut restructurer ce secteur. Ce tâtonnement est constaté sur le terrain. Le site de Tikjda dispose d'un hôtel d'une capacité avoisinant les 100 clients. Cette structure affiche complet tout au long de l'année. La question est certes terre à terre mais mérite d'être posée. A quand un grand complexe touristique ou un village touristique comme il en existe en Europe ou au Maroc? Plusieurs entreprises étrangères exercent sur le territoire national et dans la wilaya de Bouira. N'est-ce pas une aubaine pour renflouer les caisses de l'Etat? La décision du COA de reprendre une partie du complexe Cnlst incendié augure d'un avenir meilleur, mais là aussi, il est utile de préciser qu'en réservant la structure aux athlètes de l'élite, le citoyen reste en marge. N'oublions pas que nos athlètes ont ridiculisé l'Algérie ces dernières années lors des compétitions mondiales. L'intention du COA est à encourager, moyennant une obligation du résultat. Assouel est un plateau qui culmine à plus de 2 300 m d'altitude. Il surplombe le site touristique qui relève de la commune d'El Esnam à une trentaine de kilomètres au nord-est du chef-lieu de wilaya. Le site comprend un hôtel touristique et un centre des sports et loisirs dépendant du ministère de la Jeunesse et des Sports. La Concorde civile et l'élection de Bouteflika posent les bases pour une nouvelle ère, celle de la reconstruction. Dans ce sillage, le Comité olympique algérien décide de récupérer une partie du Cnlst jusque-là en difficulté financière en partie due à la destruction et au sabotage intégriste. Le projet du COA était de doter la région d'un complexe sportif de l'envergure de ceux existant ailleurs dans le monde. La nature offrait l'opportunité. Un terrain en gazon, une piste d'athlétisme en gomme, un hôtel haut de gamme, une salle omnisports sont les principales structures retenues. L'oeuvre est financée par différents partenaires, CIO, Iaaf, Sonatrach et les wilayas de Bouira et Tizi Ouzou. En plus des disciplines classiques qui se préparent sur piste, le projet est pourvu d'un circuit pour le cross country. Le lieu n'a rien à envier à celui d'«Iffrène» au Maroc, lieu habituel de regroupement et de préparation des équipes nationales. En plus des lieux de préparation le projet concernera aussi la récupération. La partie incendiée du Cnlst a été réfectionnée. S'agissant du complexe EGT, Le Djurdjura, les responsables prévoient de le récupérer et de l'aménager en complexe capable de recevoir des délégations étrangères. Pour mémoire, l'ensemble des équipes nationales toutes disciplines confondues des pays africains ou de la Péninsule arabe perfectionnent leur formation en Europe et aux Etats-Unis. Avec ses équipements, Tikjda peut devenir leur destination. La construction de ce complexe sportif en plein centre du plateau d'Assouel est un défi immense relevé et réussi mais à quel prix? L'argument sécuritaire longtemps avancé ne tient plus, même si le risque zéro n'existe pas puisque récemment, un citoyen a été délesté de ses biens et de son véhicule sur le tronçon reliant Tikjda à Semmache. Tikjda peut devenir une source de devises avec le développement du tourisme. Les décideurs à travers leurs discours parlent de l'ère d'après-pétrole. Voilà une opportunité à saisir. Son impact est double. Sur le plan national, le lieu peut servir de refuge et de ressourcement aux autochtones. Sur le plan international aussi, le site peut devenir une destination, surtout que l'Algérie dispose de climats qui n'existent que chez nous. La balle est dans le camp des investisseurs. Tikjda et son histoire symbolisent la lutte éternelle entre le bien et le mal. L'ère intégriste a tenté en vain de venir à bout de la vie. Les arbres millénaires qui ont servi de cache aux glorieux martyrs de la Révolution ont longtemps témoigné des origines à travers les siècles, d'un peuple avide de liberté. En les brûlant, c'est l'histoire de ce peuple qu'on a essayé de bannir. Comme pour répondre à cette force du mal, la nature a pris le dessus. La régénération naturelle, les campagnes de reboisement augurent d'un proche retour à la normale. Les abondantes neiges enregistrées ces dernières années ont alimenté les sources et l'eau coule à flots dans les milliers de nids de ruisseaux. Les villages ressemblent à des coquelicots posés çà et là, accrochés à une montagne que ni le napalm d'antan, ni le feu d'hier n'ont assassinée. L'Algérie aujourd'hui, en redonnant vie à cette région ressuscite ce passé. Grâce à la volonté d'un peuple, montagnard fier et dur comme le fer mais tendre et hospitalier telle une fleur, aimant la liberté mais aussi sa terre, le bien a pris le dessus sur le mal permettant aux chemins tracés par ses ancêtres, de continuer à monter pour atteindre cette jonction entre un ciel bleu immaculé et une terre blanche luisante qui n'existe qu'ici.