Un film allemand, Land of Plenty, dépeint l'Amérique d'aujourd'hui, après les attentats du 11 septembre... «Puissent les lumières de la terre d'abondance éclairer un jour la vérité », chante Leonard Coahem. C'est cette chanson que le réalisateur écoutait en boucle lors du tournage qui semble être la chappe de plomb de son film Land of Plenty. En effet, dans ce film poignant, Wim Wenders, un Allemand qui a, longtemps, vécu aux Etats-Unis, a voulu brosser le visage de l'Amérique d'aujourd'hui, ébranlée depuis le 11 septembre. Land of Plenty donne à voir, selon un cadrage parfait et qui est propre à Wim Wenders, l'Amérique des sans-abri, des pauvres, des laissés-pour-compte. L'Amérique «déclassée», et qui ne «rêve» plus, mais plutôt compte ses morts à coup de règlements de compte, se hait et se méfie d'elle-même. Une Amérique manipulée qui ment à sa population. Tout cela avec une mise en scène bien mesurée, assez contemplative finalement. Deux personnages, l'un, Paul, un vétéran du Vietnam qui s'est reconverti depuis en un agent antiterroriste, paranoïaque et souffrant. Un fervent défenseur de sa patrie jusqu'à l'obsession. L'autre, sa nièce, une jeune femme de 20 ans, qui débarque de la Cis-Jordanie à Los Angeles dans l'espoir de revoir son oncle Paul. Elle trouvera refuge dans une mission catholique où elle s'emploiera à aider les sans-abri. Deux missions, finalement proches qui tendent, chacune à sa façon, de sauver le monde. L'un à retrouver la valeur glorieuse de l'Amérique d'antan bafouée et remise en cause après les attentats, et l'autre, en méditant sur ce qui «devait être la vraie Amérique». Tous deux tendent à se défendre selon leurs propres armes. Elle, la foi en Dieu, et lui, en les armes. Si les deux personnages semblent complètement différents, il reste que Lana (Michelle Williams) et Paul (John Diehl) portent un regard persévérant, optimiste, et continuent à croire en une Amérique meilleure. Wim Wenders, qui n'a jamais caché son affection pour l'Amérique et les idéaux qu'il défendait, achève son film par cette phrase éloquente dite par la bouche de Lana, quand tous deux se recueillent devant les lieux de la tragédie: «Apprenons à écouter le silence, à écouter leur voix (les morts), je pense qu'ils ne voudraient pas qu'il y ait d'autres morts en leur nom.» Un message fort, exprimant réconciliation et paix. Abordant néanmoins certaines situations graves avec dérision, le réalisateur a adopté volontiers une certaine distanciation sans dépeindre le chaos à proprement parler. La violence est toujours biaisée sauf lors d'une scène de fusillade. Il est vrai que l'histoire se passe un an après les événements du 11 septembre. Mais le malaise persiste. Enfin, la beauté des images qui dessinent le sujet, lui renvoie toute sa complexité. Un film intéressant à voir. Il sera rediffusé le lundi 23 janvier à 16h30.