Quand viendra l'heure de faire le bilan de la 61e Mostra de Venise, on verra que peu de mauvais films ont encombré les écrans. Dans l'atmosphère surchauffée du Lido, l'essentiel du meilleur cinéma actuel a été montré. La presse italienne s'est abaissée pourtant chaque jour à faire de la vaine polémique concernant les retards des projections. C'est un débat qui touche tous les festivals du cinéma. Il faut avouer pourtant que sortir d'une salle à 4 h, suite à des retards consécutifs, ne manque pas de beauté : l'Adriatique à cette heure-là donne envie d'y plonger. C'est loin d'être une épreuve que de parcourir l'immense plage de sable et d'attendre le lever du jour pour de nouveau enchaîner avec la projection nationale... Le cinéaste allemand bien connu, Wim Wenders, ne manque pas d'enthousiasme ni de passion pour l'Amérique depuis longtemps. Los Angeles surtout est pour lui une ville symbole. Ce n'est pas un lieu commun. Los Angeles est au centre de son très beau film présenté en compétition à la Mostra de Venise : Land of Plentyp (Terre de providence). C'est simplement une œuvre lucide sur l'Amérique d'aujourd'hui, après le choc de Fahrenheit 9/11. C'est l'Amérique des pauvres, des homeless, de ceux qui n'ont ni toit ni rien à se mettre sous la dent qui est filmée par Wim Wenders. Son film est très poignant et très juste. C'est l'Amérique de la misère, de la paranoïa et du patriotisme (cher à Bush et à la bande de catholiques intégristes qui gouvernent actuellement). Le plus grand mythe du siècle passé, The americain dream, s'est effondré. Avec Bush, c'est l'Amérique cauchemardesque qui a pris le relais. Ainsi, Land of Plenty surgit comme une flambée tragique sur l'écran ; le film se situe dans la ligne de Fahrenheit 9/11 de Michael Moore. Contrairement aux habitudes des autres festivals, qui diffusent leurs programmes un mois à l'avance, la Mostra de Venise réserve dans la compétition même des films surprises. On doit attendre jusqu'à la dernière minute pour voir apparaître sur l'écran le titre de l'œuvre. C'est ainsi qu'avec une grande excitation dans la salle comble de Palagalilés a été projeté l'œuvre extraordinaire du Sud-Coréen Kim Ki Duc, Binjip, un très probable lion d'or 2004. Un film plein de poésie, de passion et de légèreté. Une mise en scène éblouissante et des acteurs débordants de sensibilité et de talent. C'est l'histoire d'un jeune de Séoul qui s'introduit dans les maisons de gens en vacances. Il ne prend rien. Il nettoie et arrose les plantes, passe la nuit et s'en va. A force de visiter des demeures successives, il tombe sur une femme très riche, battue par son mari. Tous deux, ils décident de se fier aux lois du hasard et des maisons vides. Mais une nuit, ils découvrent un vieillard mort et abandonné. C'est un film très bohème, plein d'humour, en tout cas, le meilleur cru de la Mostra 2004. Un film en compétition aussi, un peu pontifiant, mais qui révèle l'existence d'une puissante mafia israélienne dans le port de Haïfa pour la traite internationale des femmes, venues de l'Europe de l'Est, vendues pour devenir prostituées. C'est La terre promise, coproduction franco-israélienne, d'Amos Gitai. Document très cafouilleux mais porteur d'une sinistre vérité d'Israël.