Le fait est incontestable, mais le chiffre laisse planer plusieurs interrogations sur l'attitude de l'Etat algérien à l'égard des détenus. Environ 300 Algériens croupissent dans les prisons à l'étranger, particulièrement en Grande-Bretagne, l'Espagne, la France, l'Italie, l'Allemagne, mais aussi à la base militaire américaine de Guantanamo à Cuba. La déclaration a été faite hier, sur les ondes de la Chaîne II de la Radio algérienne, par Farouk Ksentini, président de la Commission algérienne consultative de promotion et de protection des droits de l'homme. Le fait est incontestable mais le chiffre laisse planer plusieurs interrogations sur les motifs d'emprisonnement, mais aussi sur l'attitude de l'Etat algérien à l'égard de ses compatriotes. Pour ce qui est du motif de détention, des affaires liées au terrorisme sont avancées, notamment après les attentats du 11 septembre 2001. Des mesures ont été, rappelons-le, arrêtées par le ministère des Affaires étrangères en faveur des ressortissants algériens établis à l'étranger, dont les détenus, à l'issue du séminaire des consuls généraux et consuls, organisé du 12 au 15 décembre 2002. A propos des détenus algériens à l'étranger, une «grande» attention est accordée au suivi judiciaire et carcéral de ces derniers pour la préservation de leurs droits. L'invité de l'émission hebdomadaire «Face à la presse» de la Chaîne II a parlé d'un suivi «sans relâche» de la part des autorités algériennes allant dans le sens de soutenir la population carcérale établie à l'étranger. Certains prisonniers croupissent depuis des années sans être jugés, tandis que d'autres sont détenus sur la base de dossiers sans véritables charges qui peuvent faire objet de décision d'incarcération. Au sujet de l'affaire de Brahim Ahmed, à titre indicatif, un Algérien détenu depuis quatre dans une prison espagnole, pour activité terroriste, Ksentini s'engage à dire que le dossier du détenu algérien souffre d'un manque flagrant en matière de chef d'inculpation. «Je suis allé personnellement à Madrid pour assister au procès et consulter le dossier. Lequel, faut-il le dire, ne contient aucune charge sérieuse à l'encontre de notre compatriote», expliqua Farouk Ksentni. Pour rappel, Ahmed Brahim est soupçonné d'être un élément d'Al Qaîda. Le détenu algérien, technicien en électronique, avait décidé de créer un site sur Internet, là où il devrait diffuser des fetwas. Plus précisément, explique le président de la Commission algérienne consultative de promotion et de protection des droits de l'homme, l'opération est censée être faite en collaboration avec une mosquée saoudienne. Il s'agit d'une opération de diffusion de quelque 120.000 fetwas sur Internet, mais «il n'a jamais été question d'une incitation au djihad», précise le premier responsable du mécanisme ad hoc, institué au profit des familles des disparus. Résumant les procédures entreprises par l'Etat algérien, Farouk Ksentini dira que les intentions sont axées sur la nécessité d'assister ces détenus, «parfois victimes de soupçons infondés». Sur la récurrente question des disparus, l'invité de la Chaîne II refuse catégoriquement d'approuver le fait que des disparus croupissent dans des prisons algériennes, hypothèse défendue par plusieurs familles des disparus. Pour argumenter son avis, plutôt une conviction chez Ksentini, il dira qu'il n'existe aucune preuve attestant la vraisemblance de cette hypothèse. Pour quelle raison l'Etat emprisonnerait-il des gens sans jugement?, s'interroge-t-il, avant de répondre qu'environ 500.000 compatriotes ont été interpellés durant la décennie dernière pour des faits de terrorisme. Mais, précise-t-il, tous ont été relâchés et d'autres jugés. En un mot, le président du mécanisme ad hoc conteste l'idée selon laquelle des personnes portées disparues croupissent dans des geôles. Dans le sillage, Farouk Ksentini se réclame aussi fervent défenseur de l'idée de ne pas jeter des journalistes en prison. A ce propos, l'invité de la Chaîne II affirmera que son instance a introduit plusieurs rapports auprès de la Présidence de la République pour mettre fin à cette pratique. A la condition, s'est-il ressaisi, «les journalistes de leur côté ne doivent pas verser dans la diffamation et les insultes». Toutefois, Ksentini se déclare incapable de prendre des décisions. C'est-à-dire, «la commission que je préside se contente de faire des observations qui sont remises à la Présidence de la République. Nous n'avons aucun pouvoir, ni des prérogatives d'exécution, ni d'autres de décision», a-t-il expliqué. A propos des dernières déclarations faites par l'ex-émir national de l'Armée islamique du salut (AIS), Farouk Ksentini préfère vérifier le bien-fondé de ces déclarations avant de faire les commentaires, quoiqu'il se dise «étonné». Sur les textes de la charte sur la réconciliation nationale, document approuvé par le peuple algérien, le président de la Cncppdh dira que la volonté du chef de l'Etat ne tardera pas à être concrétisée, donnant comme prétexte le fait que le retard est dû aux difficultés liées au thème et à la rédaction des textes d'application.