Hausses brutales des services publics comme le transport ou les télécommunications au Chili et au Liban, revendications politiques telles que l'autonomie, voire l'indépendance, en Catalogne, clivage idéologique à Hong Kong, les tensions s'exaspèrent et donnent lieu à des scènes de violence et de frustration conjuguées, qui confirment combien le monde est devenu un village. Quelques récits de ces évènements dont on ne peut mesurer toutes les conséquences. Le Premier ministre libanais est violemment contesté : Une mobilisation de grande ampleur contre la classe politique Les Libanais ont convergé en grand nombre, hier, vers le centre de Beyrouth, au quatrième jour d'un mouvement de contestation sans précédent au Liban, réclamant le départ de la classe politique accusée de corruption et de népotisme. Le mouvement, qui a gagné de nombreuses villes du pays, a été déclenché de manière spontanée jeudi par l'annonce d'une taxe sur les appels effectués via WhatsApp dans un pays à l'économie exsangue. Une décision annulée aussitôt sous la pression de la rue. Mais les manifestations n'ont pas cessé depuis, jour et nuit. Et tard samedi soir, le parti chrétien des Forces libanaises, allié du Premier ministre Saad Hariri, a annoncé la démission de ses quatre ministres, car selon lui le «gouvernement n'est pas en mesure de prendre les mesures nécessaires pour sauver la situation». Après une longue nuit de manifestations ayant rassemblé, dans une ambiance festive, des dizaines de milliers de personnes dans plusieurs régions du pays, les Libanais ont commencé à se rassembler de nouveau hier, selon des médias. Samedi, des manifestants ont de nouveau incendié des pneus et bloqué des routes mais il n'y a pas eu de heurts avec les forces de sécurité. Vendredi, des devantures de magasins et de banques avaient été saccagées et des dizaines de personnes arrêtées, puis relâchées. Arborant des drapeaux libanais, les manifestants ont défilé aux cris de «Révolution, révolution» ou «Le peuple veut la chute du régime». Nombreux parmi eux ont chanté et dansé. à Tripoli, une ville pourtant conservatrice, la foule, massée place al-Nour, a dansé au rythme d'une musique animée par un DJ et diffusée via haut-parleurs. Fait aussi rare que marquant, le mouvement de contestation a gagné des fiefs des mouvements Hezbollah et Amal. Fermées depuis vendredi, les banques resteront fermées aujourd'hui, selon l'Agence nationale d'information (ANI). Et c'est aujourd'hui aussi qu'expire l'ultimatum lancé par M.Saad Hariri, qui a donné 72 heures à sa fragile coalition gouvernementale, pour approuver ses réformes, insinuant qu'il pourrait démissionner. 41 stations de métro endommagées au Chili : Comme en 1973, la capitale renoue avec le concert de casseroles Le président chilien fait marche arrière: Sebastian Pinera a annoncé samedi la suspension de la hausse des prix des tickets de métro à Santiago, à l'origine de manifestations très violentes dans la capitale où un couvre-feu total a été décrété et un général nommé pour assurer la sécurité avec un couvre-feu total à Santiago, en réponse aux «excès qui se sont produits «. Des affrontements entre manifestants et forces de l'ordre ont à nouveau éclaté samedi, au lendemain de l'instauration de «l'état d'urgence» à Santiago, secouée par un mouvement de protestation contre la hausse du prix des transports. Des milliers de personnes s'étaient rassemblées pour un concert de casseroles, mode de contestation apparu après le coup d'état mené par le général Augusto Pinochet fin 1973, mais la manifestation a rapidement dégénéré en affrontements entre des personnes masquées et les forces spéciales. Des heurts ont notamment été signalés sur la grande place d'Italie, épicentre de la contestation, et près du siège du gouvernement, ainsi qu'à Puente Alto, dans la banlieue sud de la capitale. Cinq autobus ont été incendiés au centre-ville et les autorités ont décidé dans la journée, d'interrompre totalement leur circulation. Sebastian Pinera avait décrété, dans la nuit de vendredi à samedi «l'état d'urgence» pour 15 jours à Santiago et confié au général Javier Iturriaga del Campo la responsabilité d'assurer la sécurité. Des militaires patrouillaient ainsi samedi dans Santiago, pour la première fois depuis le retour à la démocratie, en 1990. Des milliers de personnes sont cependant redescendues dans les rues de la capitale et d'autres villes pour y faire résonner des casseroles. Des manifestations ont eu lieu dans des grandes villes comme Valparaiso et Viña del Mar, au bord du Pacifique, sans qu'aucun désordre majeur n'y soit cependant noté. Face aux militaires déployés sur la place d'Italie à Santiago, des manifestants ont brandi des photos de personnes disparues sous la dictature militaire (1973-1990), qui s'est soldée par plus de 3.200 morts ou disparus. Avec des mots d'ordre tels que «Marre des abus» ou «Le Chili s'est réveillé», diffusés sur les réseaux sociaux, le pays fait face à une des pires crises sociales depuis des décennies. Celle-ci a été déclenchée par la simple annonce d'une hausse du prix des tickets de métro, de 800 à 830 pesos (environ 1,04 euro). Les revendications ont ensuite rapidement débordé sur d'autres sujets, comme un modèle économique où l'accès à la santé et à l'éducation ressortent presque uniquement du secteur privé. Une photo du président Sebastian Pinera dégustant tranquillement une pizza dans un restaurant tandis que Santiago brûlait a accru la colère de la population, dans ce pays où un calme relatif régnait ces dernières années. Visiblement pris de court par cette crise, M. Pinera avait qualifié son pays, il y a quelques jours seulement, «d'oasis» dans la région. Vendredi, au moins 16 autobus ont été incendiés et une dizaine de stations de métro totalement détruites, selon les autorités. «L'ensemble du réseau est fermé en raison des émeutes et des destructions», a annoncé le gestionnaire du métro, après des attaques contre presque l'intégralité des 164 stations. Le bilan officiel des violences et affrontements est de 308 arrestations, et 156 policiers blessés. Le métro de Santiago, le plus étendu (140 km) et le plus moderne d'Amérique du Sud, par lequel transitent environ trois millions de passagers par jour, pourrait ne rouvrir progressivement que la semaine prochaine. Manifestationsmonstres en Catalogne : La droite tire sur le socialiste Pedro Sanchez à trois semaines des élections en Espagne, le chef du gouvernement, Pedro Sanchez, faisait face hier aux critiques acerbes de la droite qui réclame des mesures exceptionnelles en Catalogne où la tension a toutefois nettement baissé samedi soir après plusieurs nuits de guérilla urbaine. Aux cris de «Vive l'Espagne» et «Nous sommes tous Catalans», des centaines de personnes se sont rassemblées à la mi-journée devant le siège du gouvernement catalan, à Barcelone, à l'appel du parti libéral Ciudadanos dont le dirigeant Albert Rivera a appelé le gouvernement à «défendre tous les citoyens». «Alors qu'ils lancent des pavés à la tête des policiers, alors qu'il crient ‘‘Les rues seront toujours à nous'', vous savez ce que je leur dis, moi, à ces gens? (...) nous leur disons qu'en démocratie (...) les rues appartiennent à tout le monde», a-t-il déclaré sous les applaudissements.»Les indépendantistes sont des sauvages (...), le gouvernement doit agir car tout ce qui se passe est une honte!», s'est emporté, lors de ce rassemblement, Roberto Salas, un retraité barcelonais réclamant la suspension de l'autonomie de la région gouvernée par les indépendantistes, comme ce fut le cas en 2017 après la tentative de sécession. Les rues de la Catalogne sont en ébullition depuis la condamnation, lundi dernier, de neuf séparatistes, pour la plupart anciens membres du gouvernement régional, à des peines allant de neuf à 13 ans de prison pour cette tentative de sécession. Au total, près de 600 personnes ont été blessées dans les violences depuis lundi. Un policier était toujours, dimanche, dans un «état très grave» et une manifestante dans un «état critique», selon la maire de Barcelone, Ada Colau. Alors qu'approchent les législatives du 10 novembre, le chef du Parti Populaire (droite), Pablo Casado, a accusé dans le quotidien El Pais le gouvernement de «faire comme si de rien n'était» et de promettre que tout rentrera dans l'ordre «avec la modération».»Il n'y a pas de dialogue possible avec ceux qui font que la Catalogne brûle», a-t-il lancé en référence au président indépendantiste catalan Quim Torra qui a réclamé samedi à Pedro Sanchez d'ouvrir des «négociations sans conditions» et abordant donc la question d'un référendum d'autodétermination pour régler le conflit en Catalogne. M. Sanchez, arrivé au pouvoir en juin 2018 grâce aux voix des députés indépendantistes, a opposé une fin de non-recevoir à M. Torra et exigé qu'il condamne sans ambiguïté les violences et reconnaisse que la moitié des Catalans ne veulent pas faire sécession de l'Espagne. Selon un sondage publié en juillet par le gouvernement catalan, 44% des habitants de la région sont favorables à l'indépendance tandis que 48,3% y sont opposés.Vendredi soir, au terme d'une manifestation pacifique ayant réuni plus d'un demi-million de séparatistes, la grande métropole catalane a été plongée dans le chaos, après de violents affrontements entre agents anti-émeute et radicaux au visage masqué. A Hong Kong en état de siège : Lacrymogènes et canons à eau contre les manifestants en colère La police a eu recours aux gaz lacrymogènes et aux canons à eau contre les dizaines de milliers de Hongkongais qui manifestaient hier leur colère après les violentes agressions dont ont été victimes, cette semaine, deux militants pro-démocratie. Les autorités avaient interdit le rassemblement organisé à Tsim Sha Tsui, un quartier très densément peuplé, connu pour ses boutiques de luxe et ses hôtels. Elles avaient invoqué des raisons de sécurité, après les violents affrontements entre les forces de l'ordre et la frange la plus radicale des manifestants. Des dizaines de milliers de personnes ont participé à ce rassemblement interdit entendant, pour le 20e week-end consécutif de manifestations, continuer à faire pression sur le gouvernement local acquis à Pékin. Selon un scénario classique, la marche s'est déroulée de manière pacifique, jusqu'à ce que de petits groupes de manifestants radicaux, vêtus de noir, jettent des cocktails Molotov sur un poste de police, des stations de métro et des banques chinoises. La police a alors répliqué avec des tirs de gaz lacrymogène. Un canon, projetant notamment un liquide bleu permettant d'identifier les manifestants, mélangé à une solution poivrée brûlant la peau, a été déployé sur une des artères les plus commerçantes de Hong Kong, Nathan road, où se trouvaient des milliers de manifestants. Alors qu'ils fuyaient à travers les rues, les protestataires les plus radicaux sont restés pour freiner l'avancée des forces de l'ordre, mettant le feu à des barricades de fortune. L'ex-colonie britannique vit depuis juin sa pire crise politique depuis sa rétrocession à la Chine en 1997, avec des manifestations et actions quasi-quotidiennes. Après l'interdiction par les autorités, début octobre, du port du masque lors de manifestations, Hong Kong a connu une flambée de violences, avec de nombreux actes de vandalisme ciblant des sociétés accusées de soutenir le gouvernement pro-Pékin. Mais les violentes agressions dont ont été victimes deux militants pro-démocratie cette semaine ont suscité la colère des manifestants. Mercredi, Jimmy Sham, une des figures du camp pro-démocratie, avait été hospitalisé après avoir été violemment agressé à coups de marteau par des inconnus. Samedi soir, un homme de 19 ans, qui distribuait des tracts, a été grièvement blessé par un assaillant qui l'a poignardé au cou et à l'abdomen. Une marée humaine a envahi hier les rues de Hong Kong, pour montrer que ces attaques n'ont pas entamé leur détermination. Entre les deux camps, pro-démocratie et pro-Pékin, la violence s'est intensifiée, accentuant le clivage idéologique. Au cours des dernières semaines, des militants pro-démocratie ont passé à tabac des personnes qui avaient oralement exprimé leur désaccord avec leur mouvement. Pour le régime chinois, ces manifestations sont le résultat d'un complot des services occidentaux. La mobilisation était née en juin du rejet d'un projet de loi qui voulait autoriser les extraditions vers la Chine. Le texte suspendu début septembre, les manifestants ont entre-temps beaucoup élargi leurs revendications.