L'ancien président algérien ne rate pas une occasion pour lacérer les «maîtres du monde». Dans un entretien radiodiffusé lors de la dernière Waqafatte, émission hebdomadaire de la Chaîne III algérienne, et largement repris par des sites arabophones, dont al-Mouhit, l'ancien président de la République, Ahmed Ben Bella, qui ne rate pas une seule occasion de lacérer les «maîtres du monde» depuis qu'il s'est posé dans une perspective de «critique décalée» de la politique nationale et internationale, a pointé un doigt résolument accusateur sur les Etats-Unis. «L'hyperhégémonisme américain est en train de suivre un terrorisme d'Etat dont l'objectif est de prendre le contrôle de la planète. Il s'agit en fait d'une politique articulée sur la force, et qui se fixe comme buts à atteindre ceux qui présentent des intérêts économiques et stratégiques immédiats. En termes plus clairs, faire main-basse sur les richesses d'autrui, se les approprier et faire en sorte qu'elles restent entre leurs mains. C'est par exemple, le but principal de l'invasion contre l'Irak, dont les richesses sont exceptionnellement plus élevées que celles des autres pays arabes...», a-t-il notamment affirmé. Champion du «free lance», Ahmed BenBella fait actuellement le globe- trotter de la résistance en politique. A la fois altermondialiste, proche autant des mouvements résistants que des « rogue states» tant décriés par Washington, il est arrivé à une étape de sa vie où il lui importe de faire de la résistance intellectuelle contre les Etats puissants, très hégémonistes, belliqueux, et qui, selon lui, sont les véritables acteurs des turbulences qui agitent le monde arabo-musulman actuellement. Proche, en Algérie, autant des islamistes que du président de la République, Ben Bella avait joué cependant, un petit rôle lors de la campagne pour la paix et la réconciliation nationale. Mais il reste quand même un personnage truculent et respecté par les divers protagonistes de la scène politique nationale. Beaucoup lui prêtent un jeu encore plus incisif après la publication des textes de loi portant réconciliation nationale. Bénéficiant d'un large crédit auprès du peuple, Ben Bella semblait être l'homme de la situation et il s'est s'affiché publiquement jusqu'au début de l'été à jouer le rôle d'intermédiaire entre les autorités et les islamistes pour trouver le compromis dans cette «réconciliation acte 2». Affublé du titre méritoire de président d'honneur d'une pseudo Commission nationale pour l'amnistie générale (Cnag), il avait établi plusieurs contacts, noué des alliances et défini ses objectifs pour faire aboutir le projet de paix civile, lorsque, subrepticement, et immédiatement après le jubilé qui lui fut dédié à Tlemcen et Maghnia, puis la dissolution rocambolesque de la Cnag de Abederrezak Smail, il se retira sur la pointe des pieds, observant, depuis lors, un silence lourd de signification. Pour les observateurs les plus avisés, ce retrait, volontaire ou non, ne peut s'expliquer que par deux raisons : la première est qu' on tient de sources sûres que Ben Bella avait établi des contacts avec des chefs islamistes, à qui il avait aussi promis que la paix civile serait constituée d'une véritable réconciliation entre les autorités et les islamistes, avec tout ce que cela pourrait induire au plan politique, et une amnistie totale, avec tout ce qu'elle comporte aux plans juridique, pénal, social et politique. Cette thèse est d'autant plus vérifiable que des chefs islamistes avaient commencé, dès les premières annonces de l'amnistie, à prendre contact avec l'ancien président et à lui préparer des projets de plates-formes minimales consensuelles. D'où le peu d'intérêt que pouvait lui apporter le projet de charte tel qu'il a été présenté dans sa mouture finale, et dont les mesures politiques restent, on le devine, très en deçà de ses attentes, formulées en public ou en privé depuis 1994. La deuxième: Ben Bella aurait cédé face aux fragiles jeux d'équilibre qui ont sous-tendu l'élaboration de la charte pour la paix et la réconciliation. C'est une thèse formulée par ses propres partisans, et qui s'appuie sur le fait que c'est le président lui-même qui lui a demandé de se mettre de côté, «en attendant que les choses soient plus avancées pour aller plus loin encore dans la réconciliation». En attendant que les choses avancent plus sérieusement, Ben Bella se fait inviter par pratiquement tous les médias arabes, toujours gourmands de ses envolées politiques hautes en couleur et de son personnage de sage et fort en gueule à la fois.