L'ancien émir de l'Armée islamique du salut transpose son discours sur le terrain politique. Invité de la chaîne qatariote Al Jazeera, Madani Mezrag, l'ancien émir de l'Armée islamique du salut (AIS, branche armée de l'ex-FIS, Ndlr) n'a pas tari d'éloges sur le plébiscite du référendum pour la paix et la réconciliation nationale. L'émission, retransmise in live, a invité aussi des juristes spécialisés dans le droit international, des représentants du MSP et d'El Islah, tout en faisant parler, à partir d'Alger, Abdelaziz Belkhadem, ministre d'Etat, représentant personnel du président de la République, et Abdelhamid Mehri, un des architectes du contrat de Rome. Le débat s'était articulé sur la «face cachée» de la charte et les intervenants apportaient des éclairages nouveaux sur les côtés juridique, légal, politique et au plan du droit international, notamment concernant le dossier des disparus, l'imprescriptibilité de certains crimes, classés tels dans la jurisprudence internationale, la révision de la Constitution algérienne, etc. Critique et laudateur à la fois, Madani Mezrag lacérait en long et en large le pouvoir, «qui a poussé à l'affrontement», tout en faisant le panégyrique du président de la République, qui n'a «aucune responsabilité» dans la genèse de la crise ni dans tout l'imbroglio politique qui a fait suite à l'insurrection: «L'homme (le président Bouteflika, Ndlr) est sincère dans sa volonté d'aller vers une paix, et il faut l'aider (...) le projet de charte a été injuste envers nous, mais ce n'est pas là une raison pour le rejeter. Soyons réalistes : le président nous a sollicités, et il a clairement fait savoir qu'il a besoin de notre aide. Il a dit que la solution de la crise viendra par petites doses, chaque jour un peu plus près de la guérison totale (...). Il a parlé de respect d'équilibres nationaux, et a dit que le projet va aux limites de ce que permettent aujourd'hui les équilibres (...). Alors ne soyons pas impatients et prenons la paix qui pointe avec ses lacunes et ses incorrections... les choses s'amélioreront chemin faisant.» Agé de 45 ans, Mezrag passe pour le chef islamiste le plus entreprenant actuellement. Transposant son discours sans grandes difficultés du terrain théologique au terrain politique, il part d'un principe fort simple, mais que beaucoup de chefs de l'ex-FIS n'adoptent pas. Il dit que le projet de charte actuelle «n'est pas l'étape finale», mais reste une initiative transitoire, «et une dernière étape viendra, plus tard» consacrer les efforts déployés dans ce sens depuis 1999. Mezrag, auquel la loi portant concorde civile restitue tous ses droits civiques et politiques, rappelle que la paix reste encore fragile. Dans un entretien téléphonique accordé à L'Expression, il précise: «La paix reste un compromis entre le président et ceux qui veulent en finir avec la guerre. Ce n'est pas encore une vue de l'Etat, bien que tout le monde fasse semblant d'y adhérer. Dans les centres de décision et dans l'administration se trouvent encore des hommes qui ne veulent pas de cette charte ni de cette paix. C'est pour cela que je dis qu'il faut aider le président. Mais cela ne nous empêche pas de continuer à demander nos droits si nous nous sentons lésés.»