Les usagers aux bourses les plus modestes ont souvent beaucoup de mal à se déplacer. En matière de fonctionnement de nos grands centres urbains, le transport public reste l'une des meilleures vitrines illustrant à la fois le «désordre» du paysage et les difficultés à maîtriser un secteur marqué par une demande sociale en croissance permanente. L'ouverture du marché des transports urbains aux opérateurs privés n'a pas pour autant permis d'améliorer, notamment à Oran, une situation chaotique marquée par des tâtonnements et des improvisations hasardeuses. Etat des lieux. Depuis des décennies, l'évolution du tissu urbain à Oran, comme dans d'autres grandes villes du pays, a été marqué par l'extension des grands quartiers d'habitat périphériques et la prolifération anarchique et incontrôlée des zones d'habitat précaire, devenues plus tard des douars puis des quartiers formant une véritable ceinture de misère et de grande pression sociale. Dans ce contexte, la plupart des anciennes structures traditionnelles chargées de la mission de transport urbain de voyageurs, n'ont jamais pu se redéployer ni s'adapter aux nouvelles exigences du terrain urbain. Oran, qui comptait au lendemain de l'indépendance plusieurs entreprises performantes, telles la Régie communale Rmtuo, la Sotac pour le transport vers la corniche oranaise, la vieille Trcfa pour l'interurbain et bien d'autres, se retrouve en 2006 avec une seule et toute nouvelle Entreprise publique de wilaya, dotée d'une première tranche de vingt-cinq bus flambant neufs, et chargée de relever le défi du renouveau en ce domaine. Opérationnelle depuis à peine une dizaine de jours, l'ETO publique a, certes, séduit les usagers par la qualité de service et le mode de fonctionnement retenu qui rappelle aux plus âgés, la bonne vieille régie communale des années 60, aujourd'hui défunte. Seule face à près d'une cinquantaine d'opérateurs privés dans les secteurs du transport urbain, l'ETO se veut une réponse efficace des pouvoirs publics au désordre et à l'anarchie qui marquent ce terrain malgré sa «privatisation» jugée sauvage et anarchique. Ce retour du service public dans le transport urbain reflète, pour bon nombre d'usagers, un aveu d'échec des pouvoirs publics à assumer leur rôle de contrôle et de régulation en ce domaine. Et fatalement, la majorité des citoyens s'interrogent sur les «capacité de résistance» de cette nouvelle entreprise publique aux aléas d'un secteur toujours miné par des contraintes et des incohérences entravant encore son bon fonctionnement. Contraintes de gestion administrative et de régulation, problèmes d'adaptation et de projection du schéma de transport au tissu urbain, manque de maîtrise des flux réels de déplacement des populations, planification aléatoire des moyens, concurrence sauvage, et bien d'autres questions encore restent à ce jour sans solution. «L'affectation», souvent anarchique et abusive, des «agréments de transport urbain» aux opérateurs privés sur les lignes classiques du réseau, s'est traduite par une course effrénée au «ramassage» des usagers, souvent au détriment des règles élémentaires de bonne prestation commerciale et de sécurité des passagers. Malgré une concentration des unités de transport privées sur les lignes les plus rentables, les usagers aux bourses les plus modestes, ont souvent beaucoup de mal à se déplacer. Entre la place du 1er-Novembre, le Centre-ville de convergence de la majorité des lignes, et certains quartiers périphériques comme Canastel ou Sidi El Bachir, il faut compter parfois près d'une heure de trajet, sans inclure les attentes. Des attentes encore plus longues pour ceux, plus âgés, qui espèrent une place assise dans un bus moins «chargé». Toutes destinations confondues, le nombre de passagers moyen transitant par le centre ville oranais serait plus de 750.000 par jour. Près d'un tiers de ce volume, soit 220.000 usagers, se concentre vers les directions Est de la ville, Usto, Bireldjir, Ferandville, Canastel. Des chiffres qui illustrent une évolution urbaine incessante de la ville d'Oran vers le pôle pétrolier d'Arzew. Tirant les leçons du passé, la nouvelle entreprise publique de transport urbain veut, selon son gestionnaire, mettre en oeuvre une stratégie moderne de gestion et de fonctionnement adaptée aux contraintes actuelles et à l'évolution future du secteur. «Une stratégie de transport urbain oranais qui intègre le futur tramway d'Oran», précise le responsable. Basée sur une série d'analyses de données statistiques et sur un diagnostic avancé du terrain en matière de trafic, de flux de circulation, de demande de transport par catégorie sociale, l'étude de faisabilité propose un schéma directeur global de transport urbain. Pour le futur tramway, des modélisations ont abouti à des propositions de circuits évolutifs permettant de relier le centre historique de la place du 1er-Novembre aux périphéries sud et est de la ville. Pour rappel, ce projet d'un montant de 31 milliards de DA dont 25.5 milliards pour les 17.7 km prévus dans la phase 1 verra une première ligne de transport opérationnelle en 2009. Son intégration au tissu urbain implique cependant de «repenser» et de «refaire» une grande partie de la ville. Il est vrai qu'en termes de choix de projet structurant permettant d'améliorer le transport urbain, le tramway a fourni ses preuves dans d'autres métropoles à travers le monde. Mais au niveau de la cité Oranaise, des urbanistes et des spécialistes soulignent des spécificités et des contraintes qui risquent fort de porter préjudice à la réalisation du projet dans les délais et dans les conditions de fonctionnalité prévues par les études. La nouvelle entreprise ETO qui sera, semble-t-il, gestionnaire du futur tramway et du téléphérique en cours de rénovation est face à un défi des plus difficile à relever. Comment réussir à adapter un projet de tramway moderne sur un tissu de «pagaille» et d'anarchie urbaine inextricable? Là est la question!