Une réunion extraordinaire de l'Organisation de la conférence islamique est envisagée. Le Danemark va payer cher le prix de sa liberté d'expression. La publication des caricatures du prophète Mohamed, par l'un de ses quotidiens, continue de susciter la colère de la communauté musulmane. La version peu convaincante, aux yeux de la communauté musulmane, du gouvernement danois a eu de graves conséquences sur les plans diplomatique et économique. Cela s'est traduit par le boycottage des produits danois par la quasi-totalité des pays arabes, notamment ceux du Maghreb où des importateurs algériens, tunisiens et marocains ont bloqué des cargaisons de beurre commandées. Le groupe laitier Arla Foods, deuxième exportateur européen, va devoir licencier 125 employés au Danemark. «Nos ventes dans les pays arabes sont complètement arrêtées depuis samedi (dans les pays arabes) et nous perdons 10 millions de couronnes danoises par jour (1,34 million d'euros)», a indiqué la porte-parole d'Arla Foods. D'autres pays européens risquent de faire, eux aussi, les frais de leur «liberté d'expression». La publication de plusieurs quotidiens allemand, français et norvégiens de caricatures du Prophète va sans doute compliquer les choses. Alors que les gouvernements occidentaux semblent s'attacher beaucoup plus au principe de la liberté d'expression, la rue arabe, elle, fait pression sur les régimes arabes et réclame des actes après les déclarations. Des manifestations ont en effet eu lieu hier, juste après la prière du vendredi à travers plusieurs pays musulmans. Par ailleurs, des voies se sont élevées dans l'Hexagone même, dénonçant «les atteintes à l'islam et exigeant des excuses officielles». Cette importante mobilisation est prise très au sérieux par les gouvernements européens. Pour apaiser la tension, les officiels multiplient les déclarations. Le chef de la diplomatic danoise, M.Per Stig Moelle s'est entretenu avec ses homologues britannique Jack Straw et français Philippe Douste-Blazy sur ce sujet. «Maintenant, cela s'est répandu à l'Europe, nous devons trouver un modus vivendi, pour que cela se calme. Mais cela peut aussi aller en sens inverse», a-t-il mis en garde. Intervenant sur la chaîne satellite El Arabia, le Premier ministre danois, Anders Fogh Rasmussen, a déclaré que «le gouvernement danois est très inquiet de ce qui se passe, car nous avons une tradition de coopération pacifique et une relation ouverte avec le monde musulman et nous souhaiterions que cela se poursuive». Au plan politique donc, l'heure est à l'apaisement. Les instances officielles musulmanes, sans doute surprises par la «solidarité» dont a fait montre la presse européenne, envisagent une réunion extraordinaire de l'Organisation de la conférence islamique (OCI). Son secrétaire général M.Ekmeleddin Ihsanoglu, souhaite que ce problème soit réglé dans les meilleurs délais. Seulement, face à cette «sage réaction», l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (Osce) développe un discours qui «allume la mèche du conflit des civilisations», selon un observateur. En effet, cette organisation qui regroupe l'ensemble des pays européens a pris parti hier, en faveur de la publication par les journaux européens des caricatures du Prophète, soulignant que la liberté de la presse constitue une caractéristique essentielle des démocraties. Une attitude qui est loin d'éteindre «le feu de la fitna». Dans ce bras de fer monde musulman-presse européenne, il est clair que les gouvernements occidentaux, comme ceux des pays musulmans, risquent, un jour, de se retrouver face à face, au vu de la tournure que prend l'affaire des caricatures du Prophète (Qssl). La nation musulmane pourrait exiger des pays européens la promulgation de lois qui interdisent ce genre de pratique dans leur presse. Ce serait, relèvent les observateurs, le meilleur moyen de régler, une bonne fois pour toutes, ce genre de «malentendus». Pour ce faire, ces nations disposent de l'arme énergétique. La brandiront-elles?