Sur l'une des caricatures, le Prophète «apparaît» coiffé d'un turban d'où émerge une mèche allumée, comme celle d'une bombe. La publication par un journal danois de dessins attentatoires au prophète Mohamed (QSSL) soulève un tollé général dans le monde musulman. De simple polémique, elle s'est carrément transformée en affaire diplomatique. Alors que le gouvernement danois avance l'argument de la liberté de la presse, dans les pays arabes et la communauté musulmane c'est l'indignation. L'Organisation de la conférence islamique (OCI) et la Ligue arabe ont affirmé hier, qu'elles envisageaient de demander à l'ONU l'adoption d'une résolution interdisant les atteintes aux religions. Le secrétaire général de l'OCI, Ekmeleddin Ihsanoglu, a déclaré que l'organisation allait «demander à l'Assemblée générale de l'ONU d'adopter une résolution interdisant toute atteinte aux religions». Pour sa part, le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, Ahmed Ben Helli, a affirmé que la Ligue menait «actuellement des contacts au plus haut niveau avec les pays arabes et l'OCI pour demander à l'ONU d'adopter une résolution contraignante, interdisant le mépris des religions et prévoyant des sanctions contre les pays ou les institutions qui enfreindraient cette résolution». Le Parlement jordanien a estimé dans un communiqué que ces caricatures «constituaient un crime lâche et condamnable». Le Bahreïn a dénoncé les caricatures «portant atteinte» au prophète Mohamed et des activistes et associations islamistes bahreïnis ont lancé une campagne pour le boycott des produits danois. De son côté, la Syrie a également appelé le Danemark à «sanctionner» ceux qui portent atteinte aux religions après la publication de caricatures du prophète Mohamed, a indiqué l'agence officielle Sana. «La Syrie appelle le gouvernement danois à prendre les mesures nécessaires pour punir les fautifs », a affirmé un responsable au ministère des Affaires étrangères. Les faits remontent au 30 septembre 2005 quand le quotidien danois Jyllands Posten a publié les dessins satiriques sur le prophète. Un dessin représente le Prophète coiffé d'un turban d'où émerge une mèche allumée, comme celle d'une bombe. Un autre le montre comme un vieillard hirsute et agressif, les yeux masqués, armé d'un poignard, entouré de deux femmes. Considérant ces dessins comme une insulte, les chefs religieux musulmans au Danemark ont demandé au quotidien, le 6 octobre, le retrait des caricatures et des excuses officielles du journal. Les responsables du journal ont refusé, déclarant «vivre dans une démocratie où la satire et la caricature sont généralement bien acceptées et où la religion ne doit pas fixer de limites à cela». Le 14 octobre, environ 5000 musulmans avaient manifesté dans les rues de Copenhague contre ces dessins jugés «provocants» et «arrogants». A la mi-octobre, onze ambassadeurs de pays musulmans demandent une entrevue avec le chef du gouvernement libéral. Rasmussen décline, mettant en avant l'attachement de son pays à la liberté de la presse, il encourage plutôt les diplomates à se tourner vers les tribunaux. Une fin de non-recevoir considérée par beaucoup comme un affront. Le 19 décembre, 22 anciens ambassadeurs danois, aujourd'hui à la retraite, fustigent cette attitude du gouvernement. Ils mettent en garde contre «une surenchère, qui pourrait être interprétée comme une persécution à l'encontre de la minorité» des quelque 200.000 musulmans vivant au Danemark. Sur la scène internationale, les critiques abondent. Début décembre, le Haut commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Louise Arbour, charge plusieurs experts d'étudier les dessins publiés par Jyllands Posten. S'exprimant à titre personnel dans les pages du journal Politiken, Franco Frattini, le commissaire européen chargé des questions de justice et d'immigration, stigmatise pour sa part les caricatures, qui risquent, selon lui, d'«entraîner une poussée de l'islamophobie en Europe». Il convient de noter que la question des images demeure un sujet débattu chez les religieux musulmans, certains les refusant en bloc, d'autres limitant les interdictions à certains types de représentations dans un souci d'éviter l'idolâtrie.