Cela fait plus d'un mois que l'ex-premier ministre, Saad Hariri, a démissionné sous la pression de la rue. Les partis au pouvoir ne parvenant pas à se mettre d'accord sur la personne idoine, les manifestants leur ont proposé des noms. Où en est le remplacement du premier ministre ? Alors que le Liban s'enfonce dans la crise économique, ses élites politiques font du sur place. Saad Hariri, l'ancien premier ministre, qui a pourtant démissionné le 29 octobre, n'est toujours pas remplacé. D'anciens ministres comme Mohamed Safadi et Bahij Tabbara, ont été proposés, comme le richissime homme d'affaires Samir Khatib, 74 ans, mais celui-ci a jeté l'éponge. Dimanche 8 décembre, cet ami du père de l'ex-premier ministre - Rafic Hariri assassiné en 2005 -, a annoncé qu'il renonçait à l'issue d'un entretien avec le mufti de la République, Abdellatif Deriane. " J'ai été informé par le mufti qu'à l'issue de ses concertations avec les membres de la communauté musulmane, il est parvenu à un consensus pour la désignation de Saad Hariri pour former le prochain gouvernement ", a-t-il déclaré. Dans la foulée, le palais présidentiel a annoncé le report d'une semaine des consultations parlementaires qui doivent normalement - selon la Constitution -, aboutir à la désignation du chef du gouvernement. Dans l'intervalle, une réunion de travail doit se tenir mercredi 11 décembre à Paris. Organisée à l'initiative du Groupe international de soutien au Liban (GIS) - coprésidée par la France et les Nations unies -, elle ne sera que l'occasion " d'appeler à la formation rapide d'un gouvernement efficace et crédible ", et de rappeler " les conditions requises et les réformes indispensables " que doit mener le pays s'il veut continuer à recevoir l'aide internationale. Notamment les 11 milliards d'euros de prêts et de dons promis en 2018, lors de la Conférence dite du CEDRE…
Quel est le contexte ? Les manifestants commencent à perdre patience alors qu'ils sont dans la rue depuis le 17 octobre pour demander un État efficace, réclamer le départ des dirigeants actuels et leur remplacement par un gouvernement de " technocrates " indépendants des partis. Un sondage sur Internet les a invités à choisir parmi vingt-trois personnalités - 16 hommes, 7 femmes - issus de la société civile et sunnites. Rand Ghayad, un jeune et brillant économiste qui a fait partie de l'entourage de Barack Obama et enseigne actuellement aux États-Unis, est arrivé en tête, suivi par Nawaf Salam, 66 ans, ambassadeur et ancien représentant permanent du Liban auprès de l'ONU, et Leila el-Solh, fille d'un des pères du Liban (Riad el-Solh) et vice-présidente de la Fondation saoudienne du prince Al-Walid. Tous inacceptables par les partis au pouvoir. " La révolte est dirigée contre l'attelage, le conglomérat de forces contradictoires qui gouvernent le pays sur le plan politique comme économique et qui sont, ensemble, responsables de la crise ", analyse Joseph Bahout, chercheur non résident du programme de Carnegie pour le Moyen-Orient. " Le 17 octobre, les manifestants leur ont dit : on ne veut plus de vous, vos histoires, vos bisbilles ne nous concernent plus. Prenons des technocrates indépendants pour redresser le pays pendant deux ou trois ans et on verra plus tard pour les élections. C'est naïf mais c'est la demande ".
Qui veut quoi ? Officiellement, le président Michel Aoun s'est dit ouvert à un gouvernement " techno-politique ", incluant à la fois des représentants des partis et de la contestation. S'abritant derrière la rue et ce qu'il imagine être les attentes de la communauté internationale, Saad Hariri se pose en ultime recours, mais " à ses conditions, c'est-à-dire en se mettant à la tête d'un gouvernement de technocrates ", souligne Joseph Bahout. Ce qui est inacceptable par les autres : le Courant patriotique libre de Michel Aoun - dont le gendre, Gebran Bassil, tient à faire partie de la future équipe - comme le Hezbollah, le puissant parti chiite auquel il est allié. Pour Walid Charara, consultant et éditorialiste au journal Al Akhbar, proche du Hezbollah, ce dernier " veut y être représenté et surtout que le prochain gouvernement continue à couvrir la résistance politique qu'il incarne " face à ce qu'il considère comme " la menace israélienne". À ses yeux, le Parti de Dieu redoute que le projet d'une partie des manifestants ne l'emporte : " remplacer l'élite actuelle par une autre alignée sur les États-Unis ". Pour Joseph Bahout, si le Hezbollah tient au statu quo, c'est aussi parce qu'il ne tient pas à se " retrouver seul aux commandes ", et donc seul interlocuteur de la communauté internationale...