Les consultations parlementaires pour la désignation d'un Premier ministre au Liban auront lieu finalement lundi après un premier report dû au désistement du seul candidat pressenti à occuper ce poste à savoir l'homme d'affaires Samir Khatib, qui a indiqué récemment que le chef du gouvernement démissionnaire Saad Hariri bénéficie d'un "consensus" pour être reconduit. Initialement prévues le 9 décembre, "les consultations parlementaires auront lieu lundi 16 décembre" sur décision du président de la République du Liban, Michel Aoun, a indiqué un communiqué de la présidence. Selon la même source, cette décision a été prise "à la demande de la plupart des blocs parlementaires pour permettre plus de délibérations", alors que le pays est secoué depuis le 17 octobre par des manifestations de protestations contre la classe politique dirigeante accusée de "corruption" et d'"incompétence", un mouvement inédit qui a conduit, le 29 octobre dernier, à la démission de Saad Hariri. Plusieurs noms de favoris pour le poste de Premier ministre ont circulé ces dernières semaines au Liban, tous rejetés par les manifestants qui réclament une équipe de technocrates et d'indépendants qui ne seraient pas issus du sérail politique. La candidature de M. Khatib avait ainsi été froidement accueillie. Cet architecte de formation, vice-président d'une importante entreprise de BTP, n'est pas impliqué en politique mais il reste proche des cercles du pouvoir. Samir Khatib a, à l'issue d'une rencontre avec le mufti de la République au Liban cheikh Abdellatif Deriane, indiqué que ce dernier l'avait informé que les consultations au sein de la communauté sunnite traduisaient "un consensus sur la nomination de Saad Hariri pour former le prochain gouvernement". M. Khatib s'est ensuite rendu chez M. Hariri, qui avait proposé son nom et l'avait "soutenu" pour la formation d'un nouveau gouvernement, pour annoncer qu'il retirait sa candidature, a-t-il indiqué. Or M. Hariri avait assuré fin novembre qu'il ne souhaitait pas diriger le futur gouvernement. Le poste de Premier ministre est occupé par un sunnite au Liban et Saad Hariri est considéré comme le principal représentant du camp politique sunnite, dans un pays multiconfessionnel régi par un système politique censé garantir un équilibre entre les différentes communautés. Divergences persistantes autour de la composition du futur cabinet Les discussions pour la désignation d'un nouveau Premier ministre s'annoncent difficiles: les désaccords persistent quant à la composition du futur gouvernement. Si le président Aoun s'est dit ouvert à une équipe incluant des représentants de la contestation, il avait proposé un gouvernement "techno-politique" avec des représentants des partis. Le mouvement Hezbollah a lui balayé l'idée d'un gouvernement exclusivement formé de technocrates. Dans ce contexte, le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah a estimé vendredi dernier que la formation du gouvernement au Liban pourrait prendre du temps. "Les consultations devraient avoir lieu lundi, nous espérons une nomination, celui qui aura le plus de voix sera désigné pour former le gouvernement", a indiqué Hassan Nasrallah, dans une allocution retransmise à la télévision. "Mais la formation (du gouvernement) ne sera pas une opération facile", a-t-il averti. "Jusqu'à maintenant, aucun nom ne suscite le consensus parmi les blocs parlementaires", a-t-il ajouté plaidant pour un gouvernement alliant toutes les forces politiques avec "une représentation la plus large possible", sous la houlette de M. Hariri ou toute autre personne approuvée par le Premier ministre sortant. Outre la crise politique, le Liban est confronté à une crise économique "aigüe" avec des restrictions bancaires croissantes, une pénurie de liquidités et de vives craintes d'une dévaluation de la monnaie nationale, la livre libanaise, indexée sur le dollar depuis 1997. Dans ce contexte, Saad Hariri avait appelé jeudi dernier les organisations financières internationales à soutenir un plan de sauvetage d'urgence pour le Liban. Et Mercredi, les principaux soutiens internationaux du Liban réunis à Paris, dont la Banque mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI), ont conditionné toute aide financière à la mise en place d'un gouvernement "efficace et crédible", qui engagera rapidement des réformes "d'urgence". Au cours d'échanges téléphoniques avec le président de la Banque mondiale (BM), David Malpass, et la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, "M. Hariri a souligné sa détermination à préparer un plan de sauvetage d'urgence pour résoudre la crise, en attendant la formation d'un nouveau cabinet capable de le mettre en oeuvre", selon un communiqué de son bureau. "Il a discuté du soutien technique que la Banque mondiale et le FMI pourraient apporter pour rédiger ce plan", d'après la même source. En attendant, la BM prévoit une récession en 2019 au Liban (-0,2%), dans un pays où environ un tiers des habitants vit sous le seuil de pauvreté, selon l'organisation. Jeudi, l'agence de notation Fitch a de nouveau abaissé d'un cran la note de la dette du Liban, de "CCC" à "CC". Selon un communiqué de l'agence, cette dégradation reflète la probabilité "d'une restructuration de la dette par le gouvernement ou un défaut" de paiement, en raison de "l'incertitude politique, des contrôles de capitaux de facto et d'une confiance dégradée envers le secteur bancaire".