Le président turc Recep Tayyip Erdogan a jugé, vendredi, son homologue français Emmanuel Macron en «état de mort cérébrale», amplifiant la crise entre ces deux pays clé de l'Otan, à quelques jours d'un sommet de l'Alliance. Reprenant les déclarations du président français, qui avait estimé l'Otan en état de «mort cérébrale» et avait appelé à revoir la stratégie de l'Alliance, le chef de l'état turc s'est livré à une véhémente charge. «Ces déclarations ne siéent qu'à ceux dans ton genre qui sont en état de mort cérébrale», a-t-il lancé, dans un discours, à Istanbul. «Fais d'abord examiner ta propre mort cérébrale!». Paris a aussitôt riposté en convoquant l'ambassadeur de Turquie, vendredi soir, au ministère des Affaires étrangères. «Soyons clairs, ce n'est pas une déclaration, ce sont des insultes», a réagi la présidence française au sujet de ce qu'elle a qualifié de «dernier excès» en date, de M. Erdogan. Ces propos «inacceptables» n'ont «pas leur place dans la relation franco-turque et ne peuvent se substituer au dialogue nécessaire entre les deux pays», a renchéri le ministère dans un communiqué. L'ambassadeur, Ismail Hakki Musa, avait déjà été convoqué au ministère des Affaires étrangères le 10 octobre, au lendemain du lancement de l'offensive turque contre la milice kurde des YPG dans le nord de la Syrie. Cette intervention contre un allié clé dans la lutte contre le groupe Etat islamique (EI), avec l'approbation tacite du président américain Donald Trump, a mis le feu aux poudres au sein de l'Otan, où les Européens sont directement visés par la menace terroriste. Emmanuel Macron a déploré, jeudi que la Turquie ait mis ses alliés «devant le fait accompli» et réclame une réflexion sur le rôle et la cohésion de l'Alliance qu'il entend mettre sur la table au sommet de mardi et mercredi. La Turquie est exaspérée, de son côté, par le soutien de la France aux Forces démocratiques syriennes (FDS) et, par ricochet, à une de ses principales composantes, la milice kurde des YPG, qu'Ankara considère comme une extension du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), son ennemi juré, et une entité terroriste. Le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Cavusoglu, a accusé jeudi M. Macron de «parrainer le terrorisme». En novembre 2018, la Turquie s'était aussi emportée après des propos français sur son «jeu politique» supposé dans l'enquête sur l'assassinat du Saoudien Jamal Kashoggi à Istanbul. En janvier 2018, Emmanuel Macron avait jeté un froid en déclarant devant son homologue turc, en visite au palais présidentiel de l'élysée, que la situation des droits de l'homme en Turquie excluait «toute avancée» dans les négociations d'adhésion à l'UE. Les relations franco-turques avaient déjà connu de fortes turbulences, sous la présidence de Nicolas Sarkozy (2007-2012), mais elles s'étaient alors cristallisées autour de la reconnaissance du génocide arménien. La réponse pourrait tomber, dès la semaine prochaine à Londres, où les deux dirigeants se retrouveront pour parler de la Syrie, en marge du sommet de l'Otan, avec la chancelière allemande, Angela Merkel et le Premier ministre britannique, Boris Johnson. Le président turc adore rebondir sur «ce type de situations conflictuelles» qui lui permettent de jouer la carte de l'unité nationale. Il est aussi servi par le franc-parler du président français, qui ne se fait pas que des amis, en bousculant ses interlocuteurs, là où il estime qu'il y a urgence. Emmanuel Macron et son épouse Brigitte, avaient déjà essuyé une série de piques et insultes venues du Brésil cet été - un ministre l'avait traité de «crétin opportuniste» - qui s'était conclue par une passe d'armes avec le président Jair Bolsonaro. à Londres, le président français attendra surtout «une clarification» sur le rôle que la Turquie entend jouer dans l'Otan. «Maintenant, c'est à la Turquie de donner les réponses que nous, mais aussi beaucoup d'alliés, attendent», a relevé la présidence française.