Boudj est convaincu que si l'on se tourne vers le public pour lui faire découvrir les merveilles du septième art, le pari d'avoir un véritable public cinéphile est très possible. «S'il n'y a pas aujourd'hui de cinéma algérien, c'est tout simplement parce qu'il n'y a pas eu de volonté politique pour développer le septième art», affirme Boudjema Karèche, grand défenseur du 7e art national. Après plus du tiers de sa vie passé à la direction de la cinémathèque algérienne, «Boudj», comme le surnomment ses amis, n'a malheureusement pas eu la chance de voir le cinéma algérien tel qu'il espérait. Son rêve c'était d'équiper le pays de plus de mille salles de cinéma pour permettre aux Algériens de s'ouvrir sur le monde et de briser la monotonie quotidienne. Ce rêve s'est évaporé avec le temps, malgré tous ses efforts et le combat qu'il a mené. «J'ai occupé le poste de directeur de la cinémathèque pendant 35 ans et aucun responsable ne m'a aidé à développer le cinéma», révèle cet artiste, mis à la retraite malgré lui. Comment voulez-vous qu'il y ait un cinéma algérien alors qu'il a toujours été le parent pauvre?, se demande Boudj, qui affirme, qu'aucun responsable de la culture n'a donné de l'importance au septième art. Avec passion, Boudj défend son «amour» pour le cinéma et va jusqu'à lui trouver un intérêt économique de premier ordre. «C'est la deuxième source de devises aux USA». Une manière d'annoncer que son acharnement ne relève pas de la « folie». Un débouché économique est possible, souligne l'invité de L'Expression. Mais cela, comme il n' a eu de cesse de le répéter, relève de la «politique fiction». Car, parler, aujourd'hui, de cinéma algérien le fait sourire. «Quel avenir pour quel cinéma?», s'interroge M.Karêche qui souligne que le secteur n'a jamais été une priorité pour les politiques. Le cinéma n'a à aucun moment bénéficié d'un budget de l'Etat. «La production cinématographique a toujours dépendu des événements exceptionnels», a-t-il dévoilé. Pourtant, estime Karèche, l'Algérie avait la chance d'avoir des scénaristes et des producteurs talentueux qui pouvaient aller loin dans leurs carrières et de faire sortir le film algérien au-delà des frontières. S'expliquant toujours sur le cinéma algérien, Boudj présente un constat amer. «Les salles de cinéma se comptent sur les doigts d'une seule main. On ne peut pas espérer l'émergence d'une culture cinématographique dans ces conditions.». Le pire, constate-t-il, c'est que les anciennes salles obscures ont été transformées en salles de fête. Pourtant, Boudj est convaincu que si l'on se tourne vers le public pour lui faire découvrir les merveilles du septième art, le pari d'avoir un véritable public cinéphile est très possible. Et Karèche n'est manifestement pas homme à se contenter de discours. Il a monté un formidable projet en direction des écoliers du pays. «A l'époque de Réda Malek, j'avais proposé un projet éducatif pour les écoliers de façon à permettre à chaque enfant de découvrir le cinéma». Il parle de cette opération avec une pointe de nostalgie. Et pour cause, l'idée était fabuleuse ; elle consistait à permettre à tous les écoliers algériens de voir un film par mois. «Vous savez, si le ministre avait mis mon projet en oeuvre, on aurait eu aujourd'hui un véritable grand public pour le cinéma». Mais l'idée de Boudj qui a été étudiée sous tous ses aspects «est tombée à l'eau», pour la simple raison que ledit ministre lui avait proposé d'ouvrir ces salles le matin, non pas pour inculquer une culture cinématographique aux enfants, mais pour occuper les jeunes désoeuvrés. On est effectivement loin de la noblesse originelle du projet de Boudjema Karèche. Plus de 30 ans plus tard, l'amoureux du cinéma fait le bilan des dégâts. Des salles désespérément vides, des pouvoirs publics à des années-lumière d'une réelle politique de promotion du cinéma et un secteur moribond qui végète...