Peut-on parler de la cinémathèque algérienne, sans évoquer le nom de Boudjema Karèche? Pour les cinéphiles, la réponse est bien évidemment non. Car, les deux sont liés, voire collés l'un à l'autre, comme les deux faces d'une même médaille. Boudjema Karèche, ou Boudj pour les intimes, fait partie de ceux qui ont fait les beaux jours de la Cinémathèque algérienne. Cet enfant, que les hauteurs de Ben Aknoun ont vu naître, est arrivé au cinéma presque par hasard, pourrait-on dire. Jeune diplômé en droit, il était bien parti pour une carrière de maître-assistant à l'Université. En tout cas, à 23 ans, Boudj pensait que son parcours était tracé d'avance et qu'il ne pouvait pas en être autrement. Mais le licencié en droit public de l'université d'Alger n'était pas du genre à ne vivre que pour ses études. «Je me suis toujours débrouillé pour avoir la moyenne de passage», affirme-t-il, avec un sourire malicieux qui en dit long sur le personnage. En fait, il avait déjà la tête ailleurs. Et pour cause, il fréquentait assidûment la cinémathèque d'Alger, même s'il s'était quelque peu résigné à embrasser la carrière d'enseignant universitaire. Un séjour à la Haye dans le cadre de ses études supérieures, lui procure un profil qui le destinait immanquablement à une carrière diplomatique. Il y a décroché, arraché un diplôme en droit international. Il n'a pas donc réalisé son «plan», d'occuper un poste de maître-assistant à la Fac de Ben Aknoun. Même pas celui de haut fonctionnaire aux Affaires étrangères. Il a fait bien mieux. Il a concrétisé un «rêve fou» : gagner sa vie grâce au cinéma. Et pour cause, l'adolescent obéissant qu'il était, a complètement dévié des projets paternels le concernant... «Mon père ne voulait pas me laisser aller au cinéma pour voir les films. Il voulait que je me consacre aux études et au travail. Pour lui, mon programme était trop chargé étant étudiant et maître d'internat», a déclaré l'invité de L'Exprssion. L'«histoire d'amour de Boudj» avec le cinéma a pris un tournant décisif à son retour de Hollande. Alors qu'il était en attente d'une affectation au ministère des Affaires étrangères, le directeur de la cinémathèque lui propose un «boulot d'été», celui d'animateur de salle. Et c'est «le mariage» avec le cinéma.... En 1969, M.Karèche, découvre, son «amour» pour le 7e art qui le «submerge», à l'occasion du premier festival panafricain qui s'est tenu à Alger. «J'ai découvert un autre univers», a-t-il dit. Neuf ans plus tard, il est nommé à la tête de la Cinémathèque algérienne. Ainsi, il occupe son nouveau poste de directeur pendant 35 ans. Son engagement a failli lui coûter la vie. Il a été maintes fois la cible des intégristes pendant la décennie noire. Il a échappé par deux fois aux balles des terroristes. En 1995, l'établissement qu'il dirigeait a été l'objet d'un attentat à la bombe qui a fait 8 morts. Cela sans compter, les lettres de menaces et autres condamnations à mort proférées par les terroristes. «Pour eux (les terroristes Ndlr), le cinéma était haram».Malgré le climat de terreur, Karèche ne s'est jamais plié devant les intégristes radicaux. Il a continué à mettre son savoir-faire au service du 7e Art. «Jamais la Cinémathèque d'Alger n'a suspendu une séance. C'était un enjeu pour nous. On se disait: ils veulent nous tuer, on ne les laisse pas faire. Même devant dix spectateurs, c'était autant de victoires.», a-il- souligné.