La mobilisation contre la réforme des retraites en France s'installe dans la durée pour tenter de faire plier le gouvernement et promet un week-end difficile dans les transports, avant une nouvelle épreuve de force mardi et la présentation de la réforme le lendemain. «On a frappé un grand coup, généré une dynamique», s'est réjoui le numéro un du syndicat Force ouvrière, Yves Veyrier, avant l'intersyndicale qui est ressortie vendredi avec une nouvelle date de mobilisation, le 10 décembre. Jeudi, les manifestations ont davantage mobilisé que lors des premières journées des mouvements sociaux sur les retraites de 1995, 2003 et 2010. Enseignants, cheminots, pompiers, fonctionnaires... Avec plus de 800.000 personnes dans la rue et certains secteurs d'activité au ralenti voire à l'arrêt comme les raffineries, les syndicats opposés à la réforme (FO, CGT, Solidaires, FSU) ont repris des couleurs. Tous, y compris le premier d'entre eux, la CFDT, qui soutient le principe d'un régime universel de retraite par points, exhortent l'Exécutif à détailler sa réforme. Le Premier ministre Edouard Philippe a promis qu'il livrerait mercredi «l'intégralité du projet du gouvernement».Y aura-t-il matière à éteindre l'incendie? «Le calendrier est bouleversé mais rien ne change dans l'objectif du gouvernement: casser notre régime de retraite solidaire pour le remplacer par un système individualisé où chacune et chacun sera perdant», a regretté la CGT, où des voix militent déjà pour une troisième journée de mobilisation, jeudi 12. Une intersyndicale a d'ailleurs été calée mardi soir. Pour la CGT, le Premier ministre est «sourd» et «tente de diviser, d'opposer les salariés entre eux en stigmatisant certains d'entre eux». A l'origine de la colère: le «système universel» de retraite censé remplacer à partir de 2025 les 42 régimes de retraites existants (général, des fonctionnaires, privés, spéciaux, autonomes, complémentaires). L'Exécutif promet un dispositif «plus juste», quand les opposants redoutent une «précarisation» des retraités. Edouard Philippe a pris soin de dire qu'il n'était pas «dans une logique de confrontation», comme pour s'éloigner de son mentor, l'ex-Premier ministre Alain Juppé qui lors du conflit de 1995 avait paru entêté. Avant les annonces du Premier ministre, la ministre des Solidarités Agnès Buzyn et le haut-commissaire aux Retraites Jean-Paul Delevoye présenteront, aujourd'hui, les conclusions de la concertation relancée en septembre par le gouvernement. En attendant, les Français auront toujours beaucoup de difficultés à se déplacer. La grève s'est poursuivie vendredi dans les transports et le week-end, à moins de trois semaines de Noël, s'annonce toujours très perturbé, tant dans les trains de banlieue parisienne et TGV que dans le métro. Pour lundi, cinquième journée de grève, la compagnie ferroviaire nationale (SNCF) a recommandé aux voyageurs d'éviter les trains de banlieue autour de Paris, l'affluence attendue pouvant rendre les gares dangereuses. Les trois syndicats représentatifs de la SNCF ayant appelé ensemble à la grève illimitée (CGT-Cheminots, Unsa ferroviaire et SUD-Rail) ne désarment pas. Ils se retrouvent samedi matin en intersyndicale au siège de la CGT. L'après-midi, la manifestation contre le chômage et la précarité organisée chaque premier samedi de décembre pourrait avoir une tonalité particulière, en résonance avec la mobilisation sur les retraites. Des «gilets jaunes», qui ont apporté leur soutien à la contestation, doivent également défiler à Paris. Le gouvernement a plusieurs foyers à éteindre, et pas seulement sur les régimes spéciaux. Il doit notamment répondre aux inquiétudes des enseignants, qui craignent que leurs pensions de retraite baissent avec les nouvelles règles de calcul. L'horizon s'éclaircit tout de même sur le transport aérien. La journée de samedi devrait être plus calme que celles de jeudi et vendredi: seuls des retards et perturbations sont à prévoir.