Si à l'heure d'une amnésie totale, ne devait rester qu'une phrase de notre Histoire, celle-ci serait des plus précieuses : «Si nous venons à mourir, défendez nos mémoires.» Elle a été ciselée par Didouche Mourad, un des six chefs historiques qui ont déclenché la guerre de libération, le 1er novembre 1954. Une phrase d'une éclatante actualité quand on entend aujourd'hui l'innommable venant d'un indigne directeur de la culture de la wilaya de M'sila. Ce sieur a qualifié un des principaux piliers de la Révolution « de plus grand traître ». Abane Ramdane était donc un traître, rien que ça ! L'auteur de cette infamie a manqué de lucidité car il aurait dû ajouter à son abject tableau le nom de Larbi Ben M'hidi qui devrait être à ses yeux également un «grand traître». Cela va de soi puisque les deux hommes étaient inséparables et se vouaient un respect exemplaire. Le sieur de M'sila poussera l'outrecuidance jusqu'à qualifier le congrès de la Soummam de «coup d'Etat contre le peuple algérien». Un congrès, pour rappel, présidé par Larbi Ben M'hidi et dont Krim Belkacem était le vice-président. Abane Ramdane, qui assurait le secrétariat, ne venait qu'en troisième position dans la chronologie. Et voilà les fondements de la Révolution de Novembre 1954 remis en cause par ce sinistre individu qui, bien évidemment, doit répondre devant la justice pour offense portée contre le peuple algérien et ses martyrs. Pour rester dans le cadre constitutionnel, l'actuelle Loi fondamentale stipule clairement dans l'article 76 que « L'Etat garantit le respect des symboles de la Révolution, la mémoire des chouhada et la dignité de leurs ayants droit et des moudjahidine». Or, le fossoyeur de M'sila vient de souiller la mémoire de Abane, de Ben M'hidi et à travers eux celles de tous les martyrs. Y a-t-il, en effet, plus grave complot contre la nation que celui de s'attaquer au symbole de la révolution? En 2000 ans d'Histoire, c'est la première fois que l'Algérie existe en tant qu'entité délimitée par sa géographie et a fondé ses propres Institutions. Quelle que soient nos différences, nos divergences que nous assumons, le combat commun qui unit aujourd'hui consiste avant tout à préserver ces institutions. Car il s'agit d'un legs d'une génération qui s'est sacrifiée pour nous le transmettre. Cette génération est celle de Novembre 1954 parmi laquelle figurent justement Abane et Ben M'hidi. Une génération pour laquelle nous resterons toujours redevables pour nous avoir donné la chose la plus sacrée chez l'être humain : la Liberté De pareils dérapages verbaux qui, par ailleurs, fleurissent sur les réseaux sociaux, ne sont en vérité que des épisodes sporadiques sans réel effet sur la société et il y a de fortes raisons de le croire. D'abord parce que l'unité nationale des Algériens a été scellée par le sang des martyrs. Ensuite, le Mouvement populaire l'a amplement démontré tout au long de ces 10 mois de manifestations. A chaque mensonge destiné à diviser le peuple, le Hirak a répondu par deux vérités attestant son union sacrée. Le discours de la haine est à chaque fois désamorcé. D'est en ouest des voix ont scandé «nous sommes tous Kabyles» quand on a voulu intrumentaliser l'épisode du drapeau culturel amazigh. D'est en ouest on a scandé «nous sommes tous des Oranais» pour marquer la solidarité avec les citoyens de la capitale de l'Ouest victimes de la répression. Durant les plus grandes épreuves de son histoire récente, le peuple algérien a fait montre d'une unité nationale sans faille. Les semeurs des graines de la discorde se sont trompés de terreaux pour avoir la mémoire trop courte. Ont-ils oublié, si vite, que c'est l'Algérie qui a été à l'origine de la résolution 72/130 adoptée en décembre 2017 par l'Assemblée générale des Nations unies ? Laquelle résolution proclame le 16 mai Journée internationale du vivre ensemble en paix. Cette journée sera un moyen de mobiliser régulièrement les efforts de la communauté internationale en faveur de la paix, de la tolérance, de l'inclusion, de la compréhension et de la solidarité.