Après avoir salué du bout des lèvres la désignation par le président Kaïs Saïed d'un nouveau chef du gouvernement en la personne de Elyès Fakhfakh, après de larges consultations par écrit des diverses formations politiques, voilà que le parti d'obédience islamiste Ennahdha réagit aux propos de celui-ci en l'appelant à élargir les consulations aux différents groupes parlementaires, conformément à la lettre de désignation qui lui a été remise par le chef de l'Etat. Un appel qui fait écho à son annonce de tenir à l'écart desdites consultations le parti de Nabil karoui, Qalb Tounes, et celui d'Abir Moussi, le Parti Destourien Libre. Pour Ennahdha c'est là une démarche qui risque de faire capoter la démarche censée parvenir à la formation d'un gouvernement d'union nationale à vocation sociale-démocrate. Réuni dimanche dernier, le Conseil de la Choura d'Ennahdha a recommandé au bureau exécutif du parti de « se préparer à tout imprévu », y compris l'éventualité d'élections législatives anticipées. Cette recommandation en dit long sur la confiance que le parti de Rached Ghannouchi a en Elyès Fakhfakh, surtout qu'il a été décidé de maintenir la réunion du Conseil de la Choura ouverte, selon le communiqué publié à cette occasion. La réunion du Conseil de la Choura avait pour ordre du jour un large débat sur les perspectives ouvertes par la désignation de Fakhfakh et pour objectif la détermination d'une position officielle pour le parti majoritaire à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Elyès Fakhfakh avait dans une conférence de presse tenue vendredi dernier indiqué les grandes lignes de sa démarche pour constituer une équipe ministérielle restreinte, en lui assurant un large soutien parlementaire tributaire, a-t-il tenu à préciser, de l'adhésion aux valeurs défendues par le candidat Kaïs Saïed à l'élection présidentielle. Cette condition a de quoi surprendre quand on sait que le candidat Saïed n'a bénéficié que du seul soutien de la formation de Rached Ghannouchi. Aussi, les milieux politiques tunisiens se perdent-ils en conjectures, face à des « contradictions » qui tendent à leur donner le tournis ! Le Majless echoura d'Ennahdha a en outre souligné la nécessité d'une mise en place rapide des instances indispensables à l'organisation politique du pays, dont celle d'une Cour constitutionnelle qui fait toujours défaut depuis 2011. Il faut dire que sur ce plan-là, également, la discorde est totale et qu'il sera difficile, voire aléatoire, d'espérer rassembler une majorité favorable à la constitution d'une telle Cour. Les regards sont actuellement braqués sur les partis écartés par Elyès Fakhfakh, à savoir Qalb Tounes et le PDL, qui observent toujours un silence éloquent, de sorte qu'on comprend aisément les inquiétudes d'Ennahdha quant à la probabilité d'un nouvel échec conduisant à la convocation inéluctable de nouvelles élections législatives. Fakhfakh a en effet jeté un pavé dans la mare, au risque d'en être le premier éclaboussé.