Comme Ennahdha et al Karama, ses deux alliés à l'ARP, Qalb Tounes a refusé de voter la motion portée par le PDL qui qualifie le parti des Frères musulmans comme une organisation terroriste. Dans un communiqué, Nabil Karoui, chef de Qalb Tounes, justifie cette démarche en affirmant qu'elle est «due au boycottage de ce genre de motions». Or c'est inexact puisque Qalb Tounes n'a nullement boycotté la motion présentée par al Karama pour amender la loi n°116 de 2011 relative à la communication audiovisuelle afin de libérer entièrement la création de nouveaux médias qui, dénoncent certaines formations politiques de gauche, bénéficieraient de l'argent sale provenant du blanchiment et de la drogue, entre autres. Les griefs du PDL sont partagés par le parti Attayar qui reproche à Qalb Tounes de louvoyer depuis que 11 députés ont déserté ses rangs, le ramenant de 38 sièges au lendemain des législatives à 27 actuellement. Pour Attayar, Qalb Tounes tente de forcer la main à la commission d'enquête sur le conflit d'intérêt dont est soupçonné le chef du gouvernement Elyes Fakhfakh, et ce compte tenu de ses alliances au sein de l'ARP. Avec le débat autour de la formation de cette commission d'enquête, aussi bien Qalb Tounes qu'Ennahdha ont eu leur pain béni face à un Elyes Fakhfakh fortement impliqué dans l'attribution de marchés publics importants pour la gestion des décharges, au profit d'entreprises dont il est actionnaire. Alors que le chef du gouvernement s'est toujours opposé avec force à l'entrée de Qalb Tounes dans son équipe, allant jusqu'à heurter frontalement Ennahdha, sur ce sujet, et à prendre fait et cause pour le président de la République, Kaïs Saïed, très réticent, quant à lui, envers Ennahdha et ses deux alliés de l'ARP, voici qu'il se retrouve sur la sellette et que son sort dépend étroitement des choix que vont faire les dirigeants de ces partis. Dans un communiqué paru dimanche dernier, au sortir de la réunion de son bureau exécutif, la formation islamiste de Rached Ghannouchi a déclaré suivre «avec attention» les enquêtes en cours sur les soupçons de conflit d'intérêt visant Elyes Fakhfakh. Ennahdha estime que cette affaire a quelque peu «affecté» l'intégrité de la coalition gouvernementale actuelle et que, par conséquent, il lui paraît nécessaire de réviser sa position envers le gouvernement et les formations qui y sont représentées. Plus encore, le parti islamiste menace de revoir sa position, lors de la prochaine session du Majless echoura, en mettant davantage la pression sur Elyes Fakhfakh et son équipe, c'est-à-dire sur les partis Echaab et Attayar, tous deux proches du chef de l'Etat, Kaïs Saïed. En somme, la Tunisie qui se débat dans d'inextricables filets, au fur et à mesure que son économie s'effondre sous les coups de boutoir des contraintes sociales et financières, ainsi que de la pandémie du nouveau coronavirus, sera bien en peine d'affronter les conséquences prévisibles d'un été sans touristes et sans ressources connexes.