Démolition d'habitations à Laâyoune occupée: la communauté internationale appelée à protéger le peuple sahraoui    Les juridictions internationales doivent accentuer la pression sur le Makhzen pour libérer les détenus sahraouis    Oran: ouverture de la 15e édition du Salon international du tourisme, des voyages, des transports, de l'hôtellerie et de la restauration    Maghreb Pharma Expo: le secteur pharmaceutique mobilisé pour renforcer l'intégration locale    Ghaza : le bilan de l'agression génocidaire sioniste grimpe à 51.305 martyrs et 117.096 blessés    Le téléphérique de Constantine reprend du service    Ligue 1: le président de la FAF exhorte les responsables de clubs à veiller au bon déroulement des matchs dans un esprit de fair-play    Les agriculteurs mostaganémois dénoncent et défient les spéculateurs    Des associations espagnoles dénoncent    L'économie algérienne fortement tributaire de la rente des hydrocarbures    L'arbitre de la rencontre USMK-PAC au box des accusés !    Ooredoo au rendez-vous de l'ICT Africa Summit 2025    Sous les eaux : Quand la pluie révèle l'incompétence    Les tombeaux royaux de Numidie proposés au classement ''dès l'année prochaine''    Convergences transcendentalement divergentes entre l'art et la religion    L'arbitrage au centre des critiques    Le ministre de la Communication souligne le rôle important des médias pour relever les défis de l'heure    L'entreprise chinoise LONGI présente à l'AAPI un projet de fabrication de panneaux solaires en Algérie    Ministère de la Culture et des Arts: journée d'étude pour évaluer la performance des établissements de formation artistique    FAF: "Ziani va nous rejoindre à la DTN"    Le ministère de la Justice annonce les résultats de l'épreuve écrite du Concours national d'accès à la profession de traducteur-interprète officiel    Haltérophilie: Kamel Saïdi élu membre du bureau exécutif de l'UA de la discipline    ONSC : concours national de la meilleure vidéo de sensibilisation à la lutte contre la drogue destinée aux étudiants    Le Général d'Armée Chanegriha reçoit le Chef d'Etat-major de la Défense du Rwanda    Tissemsilt: décès du Moudjahid Adila Salah    Un programme sportif suspendu    Feux de récoltes : lancement d'une campagne de prévention dans plusieurs wilayas du sud du pays.    Une épreuve pas facile à supporter    L'entité sioniste occupe de nouveaux territoires palestiniens    L'UA approuve la démarche du leadership régional de l'Algérie    Sur les traces de l'architecture ottomane dans l'ancienne capitale du Beylik du Titteri    Constantine : clôture de la 14e édition du Festival culturel national de la poésie féminine    15.000 moutons accostent au port d'Alger    Les lauréats des activités culturelles organisées dans les écoles et collèges honorés    «Construire un front médiatique uni pour défendre l'Algérie»    Hamlaoui présente trois projets d'aide pour les femmes du mouvement associatif    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le Talleyrand algérien
Mohamed Seddik Benyahia
Publié dans L'Expression le 05 - 02 - 2020

Le 12 juillet 1973, au plus fort de sa maturité politique, Mohamed Seddik Benyahia lança, du haut de sa tribune, aux côtés d'un président de la République conquis par la subtilité suprême de la pensée, insolite et supérieure du personnage. Avec un sens aigu de la formule, aux étudiants qui étaient venus l'écouter : « Votre présence prouve que vous refusez l‘université bourgeoise, l'université citadelle, que vous rejetez l'extraterritorialité culturelle pour rentrer dans le pays réel. » La nuance aux références culturelles du pays n'était pas fortuite. Elle évoquait, avec un soupçon d'une pique, forgée dans l'élégance d'une pensée étoffée dans la subtilité de l'éloquence ; la critique du mauvais virage dans lequel fut engouffré le pays. Boumediene n'eut rien vu venir, mais, fut alerté par de légères explications de Jean Leca (politologue français) et Jean-Claude Vatin (politologue et chercheur au Cnrs). Ils trouvèrent dans cette position un mixage des termes marxistes (université bourgeoise), nationalistes (extraterritorialité), voire franchement aux mœurs et coutumes de la culture traditionnelle (Le pays réel). On aurait pu éviter d'aller chercher, très loin des explications farfelues, avec des termes savants faisant référence aux marxismes et on ne sait quoi encore. Le ministre se trouva, ce jour, devant un public acquis à sa cause. Il voulut, tout simplement, livrer un message qui lui tenait à cœur : asseoir la véritable personnalité de l'Algérie dans la continuité ancestrale d'une culture berbère millénaire. En somme, se resourcer de notre riche et vieux patrimoine. En langage naturel qui enrobe la conscience, utilisé par les formulations de Ferhat Abbas ; cela voulait dire : L'Algérie algérienne. Formule qui avait inspiré Abane Ramdane et Didouche Mourad avant lui.
La véritable Algérie
Né le 30 janvier 1932 à Jijel. Disparu tragiquement, le 3 mai 1982, dans l'explosion d'un avion spécial en route vers Téhéran.
Mohamed Seddik Benyahia, issu d'une famille aisée citadine de Jijel, avait suivi une scolarité assidue qui le conduit du collège de Sétif, où il passera quatre ans, au lycée Bugeaud (l'actuel Emir-Abdelkader) à Alger. Il fut remarqué par ses capacités intellectuelles naissantes et, déjà, le sens aiguisé de la formule. Ses maîtres revenaient souvent sur ses qualités, dans ses bulletins, avec l'appréciation : sujet remarquable. Il lisait beaucoup et fut fasciné par Jacques Prévert. Il connaissait par cœur les poèmes de ce dernier. Mohamed Seddik Benyahia, fréquenta l'université d'Alger pour suivre des études de droit. Il obtint son diplôme d'avocat et s'inscrit en 1953 au barreau d'Alger. En 1951, Il venait d'avoir 19 ans à peine ; le jeune homme adhéra au parti MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques). Il assura la défense de Rabah Bitat, écroué dans la prison de Barberousse et profita pour tisser des relations cordiales avec Abane Ramdane. Il quitta le MTLD, lors du conflit entre les Messalistes et les centralistes, qui acta de la rupture définitive au sein du MTLD. Tout en maintenant un contact permanent avec les militants du parti. Le harcèlement de la police coloniale le poussa à rejoindre le FLN à l'extérieur du pays. Il fonda l'UGEMA (Union Générale des Etudiants Musulmans Algériens) avec son ami Lamine Khane (De Collo, wilaya de Skikda) et Ahmed Taleb Ibrahimi. Et, fut parmi les initiateurs de la grève du 19 mai 1956 des étudiants, qui rejoignirent en masse les rangs du FLN et de l'ALN.
En août 1956 il sera désigné, au congrès de la Soummam, membre suppléant du CNRA (Conseil National de la Révolution Algérienne). Mohamed Seddik Benyahia fut affiché comme un partisan dévoué à Abane Ramdane en cautionnant la totalité des conclusions du congrès de la Soummam.
Un partisan de Abane Ramdane
En 1960, il sera nommé au poste de directeur du cabinet du président Ferhat Abbas, lui-même soutien de Abane, lors du 2e GPRA.
Après qu'il eut représenté l'Algérie à la Conférence des étudiants afro-asiatiques à Bandoeng, Benyahia deviendra le représentant permanent de l'Algérie en Asie du Sud-Est avec la compagnie étroite de Lakhdar Brahimi.
Cet homme de conviction, faisait doucement son petit chemin, en dépit d'une santé chancelante. Il fit partie de la délégation algérienne aux pourparlers de Melun en 1961 et s'imposa par son charisme, comme un élément vital, dans la commission des négociateurs des accords d'Evian. Il visita, au nom du CNRA, les pensionnaires d'Aulnay, muni d'un passeport tunisien. Il était, en outre, accompagné par Abdelaziz Bouteflika ; l'œil de l'EMG, muni d'un passeport marocain. Le complot EMG avec la complicité indue de Ben Bella était, déjà ; en sourdine sur les rails.
Mohamed Seddik Benyahia vit, de près, le bras de fer entre Abane Ramdane et l'EMG (Etat-major de guerre). Certains disent le complot ou le coup d'état des colonels. Le CNRA composé de neuf membres dont les cinq détenus de la santé en France. Les autres membres furent tous hostiles à Abane : Krim Belkacem, Boussouf, Ouamrane et Bentobbal. L'EMG soupçonnait Abane d'être l'instigateur principal de la primauté du politique sur le militaire et manigançait pour les écarter des grandes décisions politiques de la révolution et du futur Etat en gestation.
Si Mohamed Benyahia avait observé de près les manœuvres des militaires ; il n'avait rien dit. Ferhat Abbas savait que ces gens ne connaissaient que le langage des armes et impuissant, il laissa faire. Le jeune Benyahia âgé de 28 ans, prit exemple sur son mentor.
L'homme aura marqué ceux qui l'ont connu par sa modestie, sa discrétion, sa modération et la justesse innée, comme un don du ciel, de ses critiques. Son érudition impressionnait par le verbe et l'étendue de sa sagacité intellectuelle.
« Le petit Benyahia », comme aimaient à l'appeler ses compagnons, en raison de sa petite taille, une frêle corpulence et une santé fragile. Il s'imposa par des compétences avérées à la délégation des négociations d'Evian, sans que personne ne trouva rien à redire ni rechigner sur l'évidence de sa présence.
Albert Paul Lentin, qui a suivi de près les négociations d'Evian, le décrit ainsi : « Ce jeune renard aux traits aigus et à l'œil futé se distingue non seulement par une astucieuse subtilité, mais par une volonté de fer. Efficace et avisé, il va de l'avant, en dépit de sa santé chancelante et il se fraie son chemin coûte que coûte, à force de prudente ténacité et de dynamisme contrôlé ». Boumediene et son clan se méfièrent de son alignement sur les positions du GPRA, mais utilisèrent ses compétences et son intelligence hors du commun. Boumediene prudent et fasciné par le génie du personnage. Il parlait de lui en privé en le traitant de Talleyrand algérien. Paraît-il, une expression empruntée à Ben Bella qui aimait donner des étiquettes, généralement pour dénigrer.
La peur de l'intelligence et le mépris des diplômés, par les nouveaux maîtres d'Algérie, les fossoyeurs de la révolution, l'écartèrent volontairement de l'Assemblée constituante. Cette méfiance irait jusqu'à pousser le vice pour désigner un bureau politique du FLN démuni, littéralement, de diplômés. Le spectre de l'esprit de Abane, même mort, inquiétait la junte militaire. A leurs yeux : chaque homme politique intelligent, de l'époque, portait, forcément, en lui les séquelles des concepts fondateurs édictés par Abane Ramdane et la sagesse politique affinée par Ferhat Abbas. Mohamed Seddik Benyahia avait beaucoup souffert, en silence, de cette méprise à son égard et surtout la politique de guerre entreprise contre l'intelligence. En fin tacticien politique, il prit du recul et demanda à se faire nommer comme ambassadeur à Moscou et à LondresMais, la malice sans génie ne peut mener nulle part en politique et la pratique du pouvoir sans talent dérive, toujours ; vers l'autoritarisme. Boumediene, contraint et forcé, fit appel aux compétences de Mohamed Seddik Benyahia pour s'occuper, sérieusement, des affaires de l'Etat.
La sagesse de Ferhat Abbas
Il prit le taureau par les cornes et s'engagea avec énergie dans sa tâche, au service de son peuple, en prenant la responsabilité de plusieurs ministères importants, jusqu'à sa mort. Mais, en attendant que l'Histoire livre tous ses secrets et mette en avant les mérites de tous les enfants du pays. Benyahia comme tant d'autres furent victimes d'un système vicieux et cynique, attiré par les fresques d'un pouvoir aux méthodes érodées.
Et pourtant, « il est des morts qui dérangent et dont on craint l'ombre », écrivait feu M'hamed Yazid, le 4 mai 1993, dans une évocation du souvenir de Mohamed Seddik Benyahia.
Il suffit à notre peuple de retirer, juste, la poussière des années accumulée sur les noms illustres de ses enfants pour trouver la lumière. Les enfants de l'Algérie qui par amour au pays ont fait briller, par leurs prises de position, la personnalité réelle et éternelle de l'Algérie.
Abdelaziz Boucherit


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.