Le président Abbas a inauguré le nouveau CLP alors qu'Israël veut mettre l'Autorité palestinienne en quarantaine. Le nouveau Conseil législatif palestinien (CLP, Parlement) a été officiellement installé hier à Ramallah en présence du président Mahmoud Abbas. Fort de 132 membres, contre 88 pour le Parlement sortant, le nouveau Parlement est largement dominé par le Hamas avec 74 députés contre 45 pour le Fatah, parti du président Abbas. Ce dernier a d'emblée affirmé, au regard du résultat des élections législatives du 25 janvier, qu'il allait confier la formation du gouvernement au parti arrivé en tête lors du scrutin de janvier. Dans son discours devant le Parlement, le président Abbas a axé son propos sur des points à ses yeux primordiaux: le respect des accords qui engagent l'Autorité palestinienne, la résolution du conflit par la négociation comme de mettre un terme au chaos sécuritaire. Réitérant une position qu'il n'a cessé de rappeler ces dernières semaines, le président Abbas a déclaré: «La présidence de l'Autorité palestinienne et le gouvernement resteront attachés à la négociation (avec Israël) comme option stratégique réaliste. Une gestion sérieuse et sage de ces négociation nous permettra de réaliser nos aspirations nationales». M.Abbas de souligner: «Notre conflit n'a pas de solution militaire. Seules des négociations entre partenaires égaux sont susceptibles de mettre fin au cycle des violences que nous connaissons», dénonçant dans le même temps «l'approche unilatérale» d'Israël sur le contentieux israélo-palestinien. Abou Mazen a, devant le nouveau Parlement, insisté sur le fait qu'il fallait respecter les accords conclus avec Israël dont celui d'Oslo finalisé en 1993 sur l'autonomie palestinienne, de même que la Feuille de route, plan de paix international, parrainée par le quartette (USA, ONU, UE, Russie) devant, selon ses promoteurs, aboutir à la création de l'Etat palestinien indépendant. S'adressant aux députés, M.Abbas a insisté: «Je rappelle aux membres du CLP et à ceux du prochain gouvernement que tous les accords signés doivent impérativement être respectés». L'autre point évoqué par le président Abbas concerne le rétablissement de la sécurité, ce dernier indiquant: «Il faut, dans l'intérêt national, agir pour mettre fin au chaos des armes». M.Abbas a notamment affirmé que le monopole des armes doit rester aux forces de sécurité, en déclarant «étant donné que toutes les formations font partie à présent des structures et des institutions de l'Autorité palestinienne, elles doivent toutes respecter le principe de l'arme unique», c'est-à-dire que les armes doivent être dévolues aux seuls services de sécurité. Une manière indirecte d'inciter au désarmement des groupes armés. Confirmant qu'il allait travailler avec le prochain gouvernement, M.Abbas a dit: «Je ne permettrai pas, et le gouvernement ne doit pas non plus le permettre, que ce phénomène honteux persiste. Il faut prendre des mesures fermes et efficaces pour y mettre définitivement fin», en faisant référence aux enlèvements d'étrangers devenus monnaie courante ces derniers mois à Ghaza. De fait, le président Abbas a, quelque part, tracé le cadre dans lequel le futur gouvernement, conduit par le Hamas, doit travailler. Ce qui, à l'évidence, n'agrée pas totalement le mouvement islamiste, comme le montre la réaction d'Ismail Haniyeh, probable futur Premier ministre, qui, faisant état de «divergences politiques», a déclaré -peu après le discours de Mahmoud Abbas- que celles-ci «seront résolues par le dialogue» (entre Hamas et le président Abbas). M.Haniyeh a ainsi affirmé: «Le discours du président Abbas a comporté des points positifs. Nous avons des divergences sur le volet politique car il a son programme et nous avons le nôtre».«Ces divergences dans les positions et le programme politique seront résolues par le dialogue et la coordination, dans l'intérêt du peuple palestinien», a-t-il indiqué, tout en soulignant: «Le Hamas a son propre programme et sa propre vision et nous allons résoudre toutes les divergences avec le président par le dialogue». Notons que, sans surprise, le candidat du Hamas M.Doweik, député d'El Khalil, a été élu à la tête du CLP en remplacement de Rawhi Fattouh, président sortant. Au plan diplomatique, Israël veut mettre l'Autorité palestinienne sous quarantaine, comme l'ont déclaré plusieurs responsables israéliens depuis que le président Abbas a confirmé qu'il chargera un représentant du Hamas pour former le gouvernement. Ainsi, citée par le quotidien Haaretz, Mme Livni, ministre israélienne des Affaire étrangères, a affirmé qu'après l'investiture (hier) du nouveau Conseil législatif palestinien (CLP), l'Autorité palestinienne serait «ipso facto considérée comme une entité terroriste». Pour sa part le ministre de la Défense, Shaoul Mofaz, a déclaré au Yédiot Aharonot que «L'investiture d'un parlement dominé par le Hamas sera comme un coup de gong marquant la naissance de la “Hamastine”, qui constituerait un danger pour Israël, car la formation d'un cabinet dirigé par le Hamas reviendrait à créer une Autorité palestinienne vouée au terrorisme et meurtre». De ce fait, Israël joue à se faire peur diabolisant à outrance un mouvement qui, dans l'absolu, ne fait que se battre pour la libération de territoires occupés par l'Etat hébreu. Un autre responsable israélien évoque de son côté une série de sanctions contre l'Autorité palestinienne et les travailleurs palestiniens. De fait, Israël veut ainsi punir collectivement le peuple palestinien pour avoir exercé souverainement le droit de choisir ses représentants au Parlement. Aussi, l'attitude jusqu'au-boutiste d'Israël ne fera qu'exacerber davantage la situation et creuser encore le fossé entre les deux communautés arabe et juive.