Le nouveau Conseil législatif palestinien (CLP), dominé par le mouvement islamiste Hamas, qui a pu faire élire 74 de ses militants en plus de 4 indépendants sur les 132 députés formant l'ensemble du conseil, a tenu sa séance inaugurale, hier, en présence du président palestinien Mahmoud Abbas. A cause des restrictions israéliennes, surtout vis-à-vis des élus du Hamas, interdits par les autorités israéliennes de passer de la bande de Ghaza vers la Cisjordanie occupée, cette séance inaugurale n'a pu se tenir dans un seul et même endroit, en l'occurrence le siège officiel du CLP à Ramallah. Une partie du CLP s'est donc réunie à Ramallah, dans la Mouqataâ (QG de la Présidence), en présence de Mahmoud Abbas, alors que l'autre partie a assisté par vidéo-conférence à cette séance inaugurale à partir de la ville de Ghaza. Le mouvement nationaliste Fatah, qui détenait la majorité absolue au conseil précédent, ne compte, désormais, que 45 membres dans ce nouveau conseil, qui marque un changement dramatique au niveau du paysage politique palestinien, dominé depuis plus de 40 ans par le Fatah, pilier de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), reconnue par la communauté internationale et Israël comme représentant légitime et unique du peuple palestinien. Les députés du nouveau Parlement palestinien ont collectivement prêté serment. Dans son discours, Mahmoud Abbas, qui aime rappeler qu'il est le président de tous les Palestiniens quelles que soient leurs visions politiques, a tenu à rappeler aux nouveaux parlementaires les bases sur lesquelles le peuple l'a élu ainsi que ses convictions qu'il ne semble pas près de changer. Il n'a pas modifié d'un iota ses appels à poursuivre le processus de paix avec Israël par le biais des négociations et pas autrement. Il a par ailleurs, appelé le nouveau conseil ainsi que le nouveau gouvernement qui sera formé par le mouvement Hamas à respecter les engagements et les accords déjà signés, même ceux avec Israël. « Je rappelle aux membres du conseil législatif et ceux du prochain gouvernement que tous les accords signés doivent impérativement être respectés », a déclaré le président Abbas. Il a notamment cité les accords d'Oslo de 1993 qui avaient ouvert la voie à la création de l'Autorité palestinienne en 1994, rejetés dès le début par le mouvement Hamas. « Nous avons dès le début respecté le droit des individus et des groupes politiques de s'opposer aux accords d'Oslo. Mais nous n'accepterons pas que leur légitimité soit remise en cause car, depuis leur approbation, ils sont devenus une réalité politique que nous respectons et continuerons de respecter », a-t-il dit. Le président Abbas a indiqué qu'il allait charger le Hamas de former le nouveau gouvernement ouvrant ainsi une ère de cohabitation sans précédent entre un président de l'Autorité palestinienne, issu du Fatah, et un Parlement et un gouvernement du Hamas. Cette cohabitation risque d'être très difficile tant les divergences entre la Présidence et un gouvernement nommé par le Hamas semblent grandes. Négocier avec l'Etat hébreu « ne figure pas dans notre programme », s'est empressé de déclarer Mouchir El Masri, l'un des plus jeunes députés du Hamas, qui était en compagnie de Sami Abou Zohri, porte-parole du mouvement. Au cours de la même séance, Aziz Douek du groupe parlementaire du Hamas, candidat unique à la présidence du conseil, a été effectivement élu à ce poste. Ce professeur de géographie à l'université El Najah est l'un des plus anciens chefs du Hamas. La séance inaugurale s'est ensuite poursuivie sous sa présidence. Avec l'investiture du nouveau Parlement palestinien et prochainement la formation du nouveau gouvernement par le mouvement Hamas une nouvelle ère politique est lancée dans les territoires palestiniens. Le Hamas devra relever le défi de rester fidèle à ses convictions et à sa charte qui lui ont valu la confiance des électeurs d'un côté et de pouvoir subvenir aux besoins du peuple palestinien d'un autre, en assurant au moins les salaires de quelque 140 000 employés que compte l'Autorité palestinienne, qui reste le plus grand pourvoyeur d'emplois dans les territoires vu l'état de l'économie palestinienne qu'Israël a totalement paralysée. L'occupant israélien, qui menace d'étouffer complètement les territoires palestiniens au cas où le nouveau gouvernement sera formé par le Hamas en bloquant tous les points de passage et en arrêtant de verser les revenus des douanes et des taxes relevés sur les marchandises palestiniennes transitant par les ports et les aéroports israéliens dès aujourd'hui, opère un chantage politique véritable condamné par le président Abbas et par l'ensemble des Palestiniens. Si la communauté internationale calque ses positions sur celles de l'Etat hébreu, comme il est probable, on peut dire que le peuple palestinien, dont près de 70% vivent déjà sous le seuil de pauvreté, risque de vivre des jours difficiles, où la recherche du seul pain deviendra la priorité des priorités. Israël estime que l'Autorité palestinienne est devenue une « entité hostile » après l'investiture du Parlement, a indiqué, hier, un haut responsable israélien. « Le discours de Mahmoud Abbas (le dirigeant palestinien) ne change rien. » En conséquence, le gouvernement israélien donnera aujourd'hui sa réponse (à la nouvelle situation, ndlr). Israël a discuté, vendredi, d'une série de mesures visant à couper progressivement les ponts avec l'Autorité palestinienne, dominée par le Hamas. Le Premier ministre par intérim, Ehud Olmert, a examiné ces mesures en comité ministériel restreint et celles-ci seront soumises à l'approbation du gouvernement aujourd'hui, selon un communiqué de la présidence du conseil. Ce n'est là rien d'autre qu'une déclaration de guerre.