Le procès en appel des hauts responsables impliqués dans le dossier du montage automobile et du financement de la campagne du président déchu, s'est poursuivi, hier, à la cour d'Alger, pour sa quatrième journée consécutive. Les témoins et les «victimes» ayant succédé à la barre, ont laissé entendre que le système instauré durant la période de Abdessalem Bouchouareb à la tête du ministère de l'Industrie, basé sur le «favoritisme» et l'«exclusion», a continué de fonctionner, même après son départ du ministère et sa fuite vers l'étranger. «Autorisation d'exploitation contre des commissions», pendant l'ère Bouchouareb et «autorisation d'exploitation contre le financement de la campagne de Bouteflika», durant l'ère de Ahmed Ouyahia, tels étaient les critères adoptés par les hauts responsables de l'Etat, dans l'attribution des marchés publics depuis plusieurs années. Résultat des courses: 12 000 milliards de centimes du Trésor public jetés par la fenêtre, pour finir dans la poche d'une poignée d'hommes d'affaires et leurs complices dans la haute sphère de l'Etat. Lors de la séance d'hier, des hommes d'affaires qui se présentaient comme «victimes» ont accablé les ex-ministres de l'Industrie Abdessalem Bouchouareb et l'ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal. Invité à la barre, le propriétaire de la société Emine-Auto, accusera l'ex-Premier ministre, Abdelmalek Sellal, de lui avoir mis les bâtons dans les roues, pour freiner ses activités en Algérie. Il affirme devant la cour que son dossier a bel et bien été «étudié et validé», par la commission technique, mais «Abdelmalek Sellal a bloqué le projet», dira-t-il pour «des raisons inconnues». Selon ce dernier, la société «a eu, en 2016, un accord de principe des autorités pour entamer le projet. Nous avons investi 145 millions de dollars avant que la décision d'interdiction ne nous tombe sur la tête. Depuis, nous avons frappé à toutes les portes dont celles de l'ex-ministre de l'Industrie Youcef Yousfi, de l'ex-Premier ministre Ahmed Ouyahia, mais en vain. La réponse a été la suivante: votre dossier a été rejeté par Abdelmalek Sellal». Pour sa part, l'homme d'affaires Abderrahmane Achaibou enfonce Abdessalem Bouchouareb qui est actuellement en fuite, en l'accusant de lui avoir exigé «une commission de 15 milliards de centimes» pour débloquer son dossier, il dira: «J'ai refusé de payer la commission, Bouchouareb m'a privé de l'exploitation de la marque KIA Algérie et l'attribuera à Hassane Larbaoui», s'adressant à la cour avant d'ajouter: «Ce qui m'a coûté 40 milliards de centimes, de pertes.» La version de Achaibou a été confortée par les aveux de Amine Tira, à la commission technique chargée de l'étude des dossiers, qui révèlera à la cour que le ministre de l'Industrie l'avait instruit d'«exclure le dossier de Achaibou». «Je suis allé voir Amine Tira qui m'a rassuré à deux reprises que mon dossier est accepté, mais il s'est avéré par la suite que quelqu'un a décidé de le mettre dans le tiroir», précisera, Achaibou. Pour tenter de débloquer son projet, Abderrahmane Achaibou affirme avoir pris contact avec l'ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal, en fonction à cette époque-là, mais la réponse de ce dernier était: «Je suis impuissant devant Abdessalem Bouchouareb», raconte-t-il. C'est au tour de la défense de Hassane Larbaoui de prendre le relais, pour interroger le témoin. «Avez-vous demandé des explications au propriétaire de la marque?», lui demande l'avocat. La réponse de Achaibou est positive «oui», et «qu'elle était la réponse des Coréens?» lui demande encore l'avocat. «Je n'ai reçu aucune réponse de leur part». A ce moment, l'avocat de Larbaoui précisera à la cour que son client avait bel et bien «l'autorisation des Coréens, non seulement pour le montage des véhicules de marques KIA en Algérie, mais aussi l'exclusivité de la commercialisation de la marque en Afrique et en Europe». Le procureur de la République interviendra en demandant à la victime de confirmer ses déclarations faites au juge d'instruction près la Cour suprême: «Vous avez déclaré que les opérateurs Tahkout et Mazouz ont payé des pots-de-vin pour pouvoir exploiter la marque.» Et c'est ainsi qu'après avoir entendu les victimes et leurs avocats demander des indemnisations pour réparation des préjudices causés à leurs clients, qu'interviendront les représentants du ministère de l'Industrie et du Trésor public pour demander la saisie des biens de Abdelmalek Sellal et sa famille.