L'Expression: Avec la chute des prix du pétrole sur le marché international, l'érosion des réserves de change, une crise économique mondiale qui s'annonce très rude, comment appréhendez-vous l'avenir de l'Algérie? Abderrahmane Hadaf: Certes, l'économie nationale est dans un état critique, et sera secouée par la crise économique mondiale qui s'annonce déjà rude, en raison de la dépendance de l'économie algérienne de la rente pétrolière. Aujourd'hui, on assiste à l'effondrement du système économique mondial marqué par une course effrénée du couple USA/Chine à la recherche de niches de croissance. L'apparition du virus, a démontré la fragilité du système actuel et invite à repenser la mondialisation et redessiner une carte économique mondiale. Dans le climat actuel, l'Algérie sera exposée à un choc économique difficile à gérer, au moins à court terme. Mais pour le long terme, on sent l'existence d'une volonté politique pour aller vers la diversification de l'économie nationale et la mise en place d'un écosystème favorable pour le développement et l'encouragement des initiatives privées, comme il a été mentionné dans le programme d'action du gouvernement. D'après vous, que faut-il faire pour réduire l'impact de cette crise sur le pays? Les solutions ne relèvent pas du miracle, elles sont à la portée, si une volonté politique réelle et un projet économique sérieux sont définis. Il faut une rupture avec la culture de la rente et encourager le travail. La thérapie de choc est parfois nécessaire pour réveiller les consciences et nous interpelle sur la nécessité d'en finir avec cette «phobie du travail» et «la culture du moindre effort» qui se sont installées au sein de la société algérienne depuis des décennies. «A quelque chose malheur est bon», dit l'adage. C'est une opportunité qui se présente pour repenser notre système économique et aller vers la diversification des ressources de financement en devise, surtout. Et cela ne serait possible que par la mise en place des mécanismes adéquats et un écosystème favorable à l'investissement. Pour réussir ce nouveau départ, il est nécessaire d'opérer des réformes douloureuses, qui sont inévitables. Et cela, ne serait possible qu'à travers le rétablissement de l'échelle des valeurs et d'aller vers une rupture avec la culture du moindre effort. Dans son plan d'action le gouvernement mise sur le développement des PME pour consolider les assises de l'économie nationale, mais les experts sont d'accord pour dire que les PME seront les premières victimes de la crise économique mondiale qui s'annonce. Comment faire pour protéger les petites et moyennes entreprises en cette période de crise multidimensionnelle? Certes, les PME sont la base du développement économique. Et cette fois-ci, on constate que les pouvoir publics ont enfin accordé à cette question la priorité qu'elle mérite dans un pays dont la croissance est essentiellement tirée de l'exportation des hydrocarbures. Nous sommes aujourd'hui, face à un nouveau défi qui pourrait être la locomotive du développement économique du pays, c'est de réussir le passage de l'économie de produits à l'économie de services. Nous avons des compétences dans ce domaine. Mais la compétence seule ne peut rien sans l'accompagnement des autorités. Pour cela, l'amélioration du climat des affaires est une priorité pour s'adapter aux changements et les mutations du monde de l'économie. Ce qui dit le monde des affaires dit le système fiscal et celui bancaire qui constituent les principales contraintes pour le développement des PME. Il y a aussi le marché de l'informel qui pèse lourdement sur l'économie nationale. D'ailleurs, ce dossier doit être ouvert et traité en toute objectivité et avec responsabilité surtout. Vous avez évoqué la nécessité d'opérer des réformes «douloureuses» dans ce contexte très particulier. Est-ce le moment? En économie, l'équation est simple travail+production=gain. On ne peut continuer à jeter l'argent public par la fenêtre. La politique économique «populiste» adoptée depuis des décennies doit disparaître. L'urgence est à la canalisation des transferts sociaux, d'adopter des programmes de réajustement pour les entreprises publiques déficitaires, revoir le régime des retraites et de la sécurité sociale, la dévaluation de la monnaie nationale. Certes, ces mesures auront un impact négatif sur le pouvoir d'achat des citoyens, pendant au moins quelques années. Maintenant, est-ce le moment? C'est vrai que la situation est un peu complexe, mais si on veut construire un pays avec une économie forte, il faut se sacrifier pendant quelques années.