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Que peut faire le gouvernement Sellal face à la crise énergétique internationale ?
Publié dans El Watan le 12 - 09 - 2015

Le gouvernement Sellal est-il sur la bonne voie pour faire face à l'effondrement des prix du baril de pétrole de près de 60% de sa valeur, qui correspond à une perte sur nos recettes totales d'environ 30 milliards de dollars/an ?
A croire aussi que le marché informel qui prospère grâce à «l'importation-chkara-connection» dans l'économie nationale, au point où il est devenu aujourd'hui plus puissant que le marché formel avec près de 45% de la masse monétaire en dehors des circuits bancaires, voire plus fort que l'Etat. Sinon, comment expliquer que nous sommes encore très loin de nous passer de l'argent du pétrole qui n'est pas en fait une création de richesses pour l'économie du pays ?
De notre point de vue, le problème qui se pose aujourd'hui dépasse notre gouvernement, car l'Algérie ne peut s'engager dans une guerre des prix dans les espaces géostratégiques qui lui échappent et du fait qu'elle n'est que faiblement intégrée dans l'économie mondiale dont les leviers sont entre les mains du groupe des sept pays les plus industrialisés de la planète que sont les USA, la France, l'Angleterre, le Japon, l'Italie, l'Allemagne et le Canada .
Cela doit nécessairement nous interpeller sur la question consistant à apporter des éclairages et réveiller les consciences absolument vitaux pour l'avenir de notre développement durable, et ce, dans le cadre d'une réelle démocratie plurielle.
En effet, nous constatons qu'après plus de deux décennies, les gouvernements successifs ont du mal à mettre sur le terrain une politique économique performante dans la mesure où elle demeure par ailleurs soutenue par l'expansion monétaire et de la dévaluation du dinar inscrite dans le souci de l'encouragement de l'investissement et de l'exportation afin de mettre sur pied une économie de production demeurée inefficace, car 98% de nos ressources financières proviennent aujourd'hui des exportations des hydrocarbures, près de 75% en importation et une démographie plus poussée vers nos villes dont le taux d'urbanisation s'établit aujourd'hui à près de 65% et qu'il n'est pas possible d'éviter à moyen terme. Ainsi, l'Algérie reste en dessous de la moyenne et un pays structurellement dépendant de l'extérieur, ses importations tendant à atteindre le niveau des exportations des hydrocarbures. L'Algérie, un pays auquel peut bien s'appliquer l'adage qui dit que «l'argent ne fait pas le bonheur, bien qu'il y contribue».
De notre point de vue, nous sommes en effet convaincus que la construction d'une économie de marché en soutien d'une économie sociale est le pilier sur lequel repose l'avenir de l'Algérie et sans lequel on ne peut ni évoluer, ni prospérer, ni combattre le chômage, l'inflation, la corruption, car il n'est plus possible aujourd'hui pour l'Etat qui édifie l'économie et crée l'emploi en privilégiant les aspects financiers de la macro-économie sans se préoccuper de l'aspect de la politique micro-économique et des compétences. C'est tout l'enjeu futur afin d'ouvrir de grandes perspectives pour les jeunes et garantir à chaque Algérien un emploi et un revenu.
C'est là un problème qui se pose avec acuité et la grande question qui mérite d'être posée est la suivante : «L'après-pétrole, y pense-t-on sérieusement ?».
On ne peut qu'être inquiet pour l'avenir de notre pays vu la forte tendance à la baisse des prix du pétrole, une baisse telle qu'il serait difficile de maintenir au-dessus de 70 dollars le baril. Cela va sans dire que l'Algérie plonge aujourd'hui dans une phase de turbulences, où les rapports structurels et la société seront perturbés, car cette situation fait apparaître un écart cruel entre l'offre et la demande, d'où le besoin de pas moins de 2 millions d'entreprises de taille PME-PMI et une croissance à deux chiffres pour faire face aux bouleversements socio-économiques actuels que vit aujourd'hui l'Algérie et, plus cruel encore, la fiscalité ordinaire et l'exportation hors hydrocarbures posent de sérieux problèmes et suscitent des inquiétudes en matière de consolidation et de perspectives budgétaires dans la mesure où nous n'avons à cet effet ni économie politique ni stratégie d'entreprise en puissance.
«Un pays développé se mesure dans les moments de crise», les effets du choc de 2014 alimentent à notre humble avis le risque d'un coup dur pour l'Algérie. La conjoncture est difficile et inquiétante avec une instabilité des marchés, car à moins de 70 dollars le baril, le pays s'achemine vers une grave crise financière à l'horizon.
Il faut se dire qu'entre 2000 et 2014, la situation a certes évolué, mais les besoins se sont multipliés, notamment la consommation intérieure. Le problème est sérieusement posé puisque cette consommation est à même d'absorber la croissance de 7%, taux pour lequel s'est engagé le gouvernement dans le plan d'action 2015-2019.
Pire, la demande intérieure absorbera 50% de la production d'hydrocarbures à exporter.
Il convient de rappeler ici que le déclin du marché pétrolier a vu le brut passer de 120 dollars le baril en juin 2014 à 46 dollars le baril à la mi-janvier 2015, pour atteindre 48 dollars en ce moment, soit une perte de près de 60% de sa valeur, associé à la baisse de la production des hydrocarbures à un peu plus de 10%.
L'Algérie risque alors d'enregistrer un manque à gagner à près de 30 milliards de dollars pour l'exercice budgétaire 2015 si cette baisse drastique venait à persister.
Ses conséquences seront marquées par l'instabilité du marché énergétique en raison de l'abondance de l'offre mondiale vis-à-vis de la demande en dépit de l'accélération de la production américaine en pleine révolution de l'exploitation du pétrole et du gaz schiste et de l'Arabie Saoudite qui a fait baisser ses prix négociés avec les pays asiatiques, le retour progressif de l'Iran, de la Libye et de l'Irak sur les marchés pétroliers, et enfin de nouvelles mesures prises par le Japon en matière de relance monétaire qui ont fait monter le dollar, rendant ainsi le brut moins attrayant.
On pourrait toutefois avancer que nous sommes entrés en ce moment même de la demande à celle de l'offre mondiale.
Il va sans dire que nous subissons un choc pétrolier similaire à celui de 1986 qui a provoqué l'effondrement de l'économie algérienne, où la chute brutale des prix du pétrole a provoqué la liquidation de près d'un millier d'entreprises, l'explosion du chômage de près de 30%, l'inflation de près de 25% et enfin l'explosion sociale qui a atteint son apogée dans la tragédie nationale du 5 Octobre 1988.
La chute du prix du baril n'est pas près de prendre fin avant 2015. Ainsi, nous sommes entrés dans une période de crise sévère où il est clairement établi que le budget pour 2015 est mis à rude épreuve et qu'il serait risqué d'ignorer cette nouvelle donne qui a fait apparaître de sérieux symptômes pouvant se traduire par des tensions plus fortes aussi bien dans la sphère de production que celle de la consommation, mais aussi et surtout de l'emploi.
En effet, le gouvernement prélève chaque année près de 75% de sa fiscalité pétrolière pour financer son budget général dont près de 60% financent les dépenses de fonctionnement et près de 70% de la population algérienne vit aujourd'hui de la rente que l'Algérie finance au prix fort. Cela dit, il nous faut sortir au plus vite d'une économie de rente qui fait état de graves carences et faiblesses dans l'organisation et la gestion économique pour aller vers des logiques de sortie de crise dans un contexte où l'économique et le politique s'entredéchirent pour que notre pays retrouve sa vitalité et évolue vers une économie émergente.
Oui, un regard rapide nous indique que le tableau de bord de notre économie hors hydrocarbures est loin d'être satisfaisant au vu des défis qui attendent l'Algérie, à savoir : évolution en hausse quasi constante des dépenses budgétaires, faible croissance économique financée essentiellement par la dépense publique, le financement reste davantage assuré par la fiscalité pétrolière que par la fiscalité ordinaire, faible contribution du secteur productif, explosion des importations qui se pose avec une gravité exceptionnelle atteignant un peu plus de 65 milliards de dollars, baisse drastique des exportations. En plus, l'agriculture ne contribue qu'à 8% du PIB, les coûts d'exploitation restant élevés.
L'économie informelle représente aujourd'hui 40% du PIB, les exportations hors hydrocarbures n'arrivent pas à dépasser 2 milliards de dollars par an, le dinar va subir une dépréciation importante puisque notre monnaie dépend à près de 90% de la rente pétro-gazière et non de la création des richesses selon les règles et les mécanismes de l'économie de marché et par conséquent une monnaie qui n'est pas en mesure de servir de monnaie d'échange commercial et qui pèse fortement dans la détérioration du pouvoir d'achat des ménages n'était la politique du soutien des prix, le chômage reste élevé malgré les dispositifs de l'Etat, et enfin la fin des excédents financiers aggravés par une démographie qui est en train de croître entre 2 et 3%/an maintenant l'inquiétude sur l'avenir du pays .
Sur un autre plan, le secteur industriel, considéré comme l'un des facteurs stratégiques de la croissance potentielle, des technologies et du plein emploi pérenne est devenu le problème économique et social le plus cruel notamment, il est caractérisé par une faible valeur ajoutée technologique et son apport dans le financement de l'économie reste très insuffisant au cours de ces deux dernières décennies au regard de la crise profonde qui affecte le pays devant l'ampleur du déficit constaté en production atteignant 13%.
Le pays réalisait entre 18 et 25% de croissance dans les années 1970-80, contre 5% actuellement, outre un taux d'intégration à moins de 20%, un outil national de réalisation non performant ne pouvant absorber les plans de charge des plans quinquennaux et une faiblesse de l'investissement productif.
Enfin, il est à noter un cadre législatif et réglementaire surchargé tantôt de droit public, tantôt de droit privé, ce qui a affaibli l'économie, les stratégies et les performances des entreprises.
La structure de l'économie algérienne reste concentrée pour près de 90% sur les entreprises du commerce et les services. C'est là une véritable panne économique en matière de développement durable qui ne permet pas de créer les conditions favorables à une croissance réelle et potentielle et par conséquent agir sur la stabilité sociale et la bonne santé de l'économie de notre pays.
Ce qui requiert l'urgence de la création d'un ministère de l'Economie couplé à celui des Finances aux compétences managériales aux normes internationales afin de se mettre à un niveau mondial.
c'est ce vrai contexte qui doit retenir plus l'attention du gouvernement pour projeter l'Algérie dans le monde économique moderne et résister à la crise énergétique internationale, le budget de la nation pour 2015 constituant l'occasion de mobiliser toute l'intelligence pour une meilleure gouvernance économique avec la nécessaire participation tant de l'élite locale que de l'élite nationale, d'opinions et d'universitaires comme source de savoir, d'expertise, de connaissances, de résolutions de problèmes et de préparation de lois économiques et des finances qu'il est souhaitable de mettre à contribution dans le processus de la politique budgétaire pour une meilleure cohérence et efficacité entre le système institutionnel de l'Etat (le gouvernement) et le pouvoir législatif (les élus), pour permettre à l'organisation de l'économie nationale de répondre aux défis présents et futurs.
Certes, il n'y aura pas d'impact important à court terme si l'on sait que la situation financière de notre pays est positive grâce aux revenus pétro-gaziers, dont notamment un endettement extérieur assaini à près de 80% -, des réserves de change correspondant à près de 180 milliards de dollars représentant un peu plus de 3 ans d'importations, une épargne publique estimée à 4429 milliards de dinars en 2015, soit l'équivalent de 50 milliards de dollars au niveau du Fonds de régulation des recettes (FRR), dans lesquelles le gouvernement devra piocher pour équilibrer son budget.
Comme l'Algérie a accompli, il faut reconnaître, d'importants progrès dans les infrastructures de base — équipements collectifs — il est regrettable de ne pas avoir profité de cette aisance financière pour réindustrialiser le pays. Est-il besoin de rappeler qu'à la fin de la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis ont proposé à l'Europe le fameux plan Marshall destiné à l'aider à se relever de ses cendres.
Doté de l'équivalent de 150 milliards de dollars réparti sur quinze pays, ce plan leur a permis de se reconstruire, de se moderniser et d'amorcer la dynamique qui a donné trois décennies de croissance continue.
Pour terminer, nous pouvons dire qu'il est urgent de rénover notre économie et favoriser le développement d'une économie liée directement à l'investissement et à l'entreprise pour sortir d'une économie relativement rentière qui ne peut être que la négation de l'économie.
M'hamed Abaci
Financier et auteur
Financier et auteur de deux ouvrages :
Comptabilité des sociétés et gouvernance
des entreprises


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