Le colloque sur l´oeuvre du grand écrivain algérien Rachid Mimouni s´est ouvert, avant-hier, à la Maison de la culture de la wilaya de Boumerdès. Cette manifestation, la deuxième du genre après celle qui s'est déroulée l'année dernière au même lieu, était en deçà des attentes. La ministre de la Culture devant procéder à l'ouverture du colloque, s'est absentée, conseil de gouvernement oblige. Les deux écrivains, fort médiatisés par la presse nationale, Rachid Boudjedra et Waciny Laredj, l'étaient aussi. Qu'à cela ne tienne. La manifestation, organisée à l'occasion du onzième anniversaire de la disparition de Mimouni, a vu tout de même la participation de plusieurs hommes et femmes de lettres, de théâtre, d'intellectuels algériens. Aussi, dans sa deuxième édition, ce colloque a été consacré à la littérature algérienne d'expression française. Les intervenants, en cette première journée, ont donc consacré leurs communications au problème que rencontrent les écrivains algériens écrivant en langue française. Cette problèmatique, à en croire l'universitaire Saïd Boutadjine a de tout temps été rencontrée par les écrivains algériens. Ces derniers, en s'exprimant dans cette langue, peuvent-ils réellement transmettre le message voulu? L'orateur a abordé cette question en largeur et en profondeur. «En Algérie, la question linguistique chez nos écrivains joue trois rôles. Primo, c'est un moyen de communication. Ceci on le remarque notamment chez l'ancienne génération qui n'a pas d'autre choix que celui d'écrire en langue française. Secundo, on l'emploie pour des considérations esthétiques. Tertio, elle est utilisée pour répandre une certaine idéologie». De l'avis du conférencier, «les écrits en langue française, nous devrons les étudier sans aucun parti pris, idéologique soit-il ou politique. Au contraire, il faut les considérer du seul strict point de vue littéraire. Seul moyen de les faire servir aux générations futures est l'unique moyen de considérer ces oeuvres à leur juste titre». Une autre problématique abordée par le conférencier est celle relative à la transmission du message. Autrement dit, le roman écrit en langue française, peut-il transmettre une réalité sociale telle qu'elle est vécue ou telle que l'auteur lui-même veut la transmettre? Toujours selon Saïd Boutadjine, les écrivains algériens d'expression française se retrouvent assez souvent devant le sempiternel problème du vocabulaire. Dans cette optique, le conférencier étaye ses dires par les propos tenus par Rachid Boudjedra qui «révèle» son incapacité de «transcrire», en langue française la réalité sociale algérienne. Ce qui explique le fait que Boudjedra préfère abandonner la langue de Molière et écrire en arabe. Néanmoins, ce fait a été fortement contesté par l'universitaire Fodil Boumala. Ce dernier insiste sur le fait que Rachid Boudjedra n'a pas d'autre choix que «d'écrire en langue française.» Contrairement à ce que Boudjedra lui-même affirme, ce n'est pas qu'il veut se venger de la langue française ou de la détruire de l'intérieur, mais il ne trouve pas un autre moyen qu'il maîtrise à la perfection pour s'exprimer. «Il convient de souligner dans cette optique que des études en linguistique indiquent qu'un écrivain ne peut adopter à la perfection qu'une seule langue d'écriture.» Ce qu'il y a lieu de noter également est que la réalité sociale algérienne a été rapportée brillamment par les écrivains francophones. En effet, les écrits de Mammeri, Feraoun, Dib et autres ne reflètent en fin de compte que la réalité vécue par les Algériens. Quoique cela a semé bien des embûches sur le chemin de ces hommes de lettres. Et dans ce sens, l'exemple le plus édifiant, tel que l'universitaire Mohamed Daoud l'affirme, est bien celui de Mouloud Mammeri, dans son roman La colline oubliée. Œuvre qui lui a, injustement, valu l'étiquette de partisan de «hizb frança» (le parti de la France). Le même cas est aussi celui de Malek Haddad dans son roman Les zéros tournent en rond. Lequel roman n'a jamais été réédité. Il convient de noter enfin que la clôture de ce colloque est prévue pour aujourd'hui. Cette occasion sera aussi celle de décerner le prix Rachid Mimouni récompensant les meilleurs jeunes auteurs âgés entre 19 et 26 ans et écrivant dans les deux langues, arabe et française.